PragerU : les plateformes sont-elles libres de modérer les contenus postés par leurs utilisateurs ?

« Don’t let the mask become a muzzle. » (Ne laissez pas le masque devenir une muselière). Publiée sur Twitter le 20 mai dernier, la phrase est illustrée par le célèbre Gadsden Flag américain, si ce n’est que le serpent y est affublé d’un masque chirurgical, ce qui fait bien sûr référence à la crise sanitaire liée au coronavirus. Fidèle à ce symbole des mouvements conservateurs, l’auteur du tweet entend rappeler que la lutte contre l’épidémie ne saurait se faire au détriment des libertés constitutionnelles, à commencer par la liberté d’expression.

C’est exactement ainsi que l’on peut résumer la ligne éditoriale développée par Prager University (PragerU), qui est à l’origine de ce tweet. Association américaine de « réinformation », PragerU dispose depuis plusieurs années d’une chaîne YouTube où sont régulièrement postées toutes sortes de vidéos commentant l’actualité, et tendant à rétablir un traitement prétendument « objectif » de celle-ci. À ce titre, la chaîne constitue un bel exemple de canal alternatif d’information, où sont davantage entretenues la méfiance envers les médias mainstream et la déconstruction systématique des débats d’intérêt général au nom du relativisme. Ces canaux participent eux-mêmes de l’écosystème global de la manipulation de l’information1, quand bien même ils s’appuieraient sur des faits authentiques et vérifiés.

Nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux, et plus particu­lièrement de citoyens américains, ont tendance à se réfugier dans ces médias alternatifs, tels que PragerU2. Confortés dans leurs idées, ils pourraient même se « radicaliser » en évoluant vers des mouvements proches des milieux conservateurs, tels que ceux de l’alt-right américaine, car ceux-ci entretiennent des rhétoriques similaires. L’existence de ces canaux d’information tient également à la conception américaine de la liberté d’expression, telle qu’elle est consacrée par le premier amendement de la Constitution. Au nom du libre marché des idées3, la diffusion de contenus alternatifs peut être considérée comme un bon moyen de provoquer le débat sur des questions d’intérêt général, ne serait-ce que pour les réfuter ou les critiquer. C’est justement sur ce fondement que s’appuient les organisations telles que PragerU pour contester toute velléité de censure de la part du gouvernement américain… mais aussi des entreprises privées dont ils utilisent les services.

Tel est l’objet du litige qui a opposé l’association à l’entreprise Google, et qui s’est soldé devant la cour d’appel du neuvième circuit le 26 février 20204. La cour a confirmé la liberté des plateformes de modérer les contenus postés par les utilisateurs, estimant qu’elle ne contrevenait pas au premier amendement de la Constitution… mais cette liberté de modération pourrait finalement être bridée par le décret signé par le président des États-Unis le 28 mai 2020.

La libre modération par les plateformes de leurs espaces d’expression

Précisément, l’association PragerU reprochait à Google une violation du premier amendement de la Constitution, au niveau des conditions générales d’utilisation du service YouTube.

Plusieurs vidéos diffusées sur la chaîne de l’association ont été reclassées en restricted mode (mode restreint). Cela a pour effet de les rendre indisponibles à l’égard des utilisateurs ayant activé cette fonctionnalité, pour des raisons tenant au sujet des vidéos. Sont notamment concernées celles qui comportent une évocation de la sexualité, de la consommation de drogues ou d’alcool, des contenus violents, ou qui sont relatives à des faits de terrorisme, de guerre, de criminalité ou de conflits géopolitiques. Selon les éléments fournis devant les juges, environ 1,5 à 2 % des utilisateurs américains de YouTube utiliseraient cette fonction. Le classement des vidéos est effectué soit de manière automatique, à l’aide d’un algorithme, soit de façon manuelle, en fonction des signalements. Quoi qu’il en soit, cela n’a pas pour effet de faire disparaître les contenus mais seulement d’en restreindre la visibilité afin de préserver les sensi­bilités des utilisateurs. PragerU avait ainsi contesté ce classement devant YouTube, qui avait également démonétisé certains contenus. Si la plateforme a accepté de revenir sur sa décision à l’égard de plusieurs vidéos, un certain nombre d’entre elles sont malgré tout restées en mode restreint. S’estimant victime de la « tyrannie des technologies », l’association saisit la cour du district nord de Californie afin de voir ordonner à YouTube la déclassification des contenus de la chaîne. Cette demande ayant été rejetée, c’est devant la cour d’appel du neuvième circuit que l’affaire a ensuite été portée.

La cour d’appel va confirmer cette première décision, en rappelant que la modération ainsi effectuée n’est pas incompatible avec le respect du premier amendement de la Constitution. Selon les juges, le fait que les services de Google, et en particulier la plateforme YouTube, soient déployés dans le monde entier et accessibles à un public très nombreux n’a pas pour effet d’en faire des « forums publics ». En effet, la fourniture d’un espace d’expression au public ne constitue pas une prérogative exclusive des pouvoirs publics. Dès lors, il ne s’agit ni plus ni moins que de services privés offrant leurs espaces à d’autres personnes privées, et non de services publics, pour lesquels l’interdit posé par le premier amendement serait applicable5. Si celui-ci préserve de toute censure de la part du gouvernement dans les « espaces » publics de communication, il n’en va pas de même à l’égard des « espaces » privés ouverts au public. L’entreprise qui prête ou loue ses espaces à des fins de communication est libre de définir une ligne éditoriale spécifique ou des conditions de modération lui permettant d’exclure ou de classifier les contenus.

La cour d’appel s’appuie à ce titre sur la décision emblé­matique de la Cour suprême rendue le 17 juin 2019 dans l’affaire Manhattan Community Access Corp. v. Halleck6, qui avait rappelé cette limitation de l’effet horizontal du premier amendement en matière audiovisuelle (les faits étaient relatifs à la déprogrammation d’une séquence par une chaîne de télévision communautaire en raison de propos jugés outranciers). La même solution s’impose à l’égard d’un service de communication en ligne. Quand bien même celui-ci se limiterait principalement à une fonction d’hébergement, il lui est possible d’intervenir sur le référencement et la visibilité des contenus pour toutes sortes de raisons comme le respect de la sensibilité des utilisateurs. Et il importe peu à cet égard que la plateforme YouTube se soit elle-même présentée comme une « place publique » neutre dédiée à l’exercice de la liberté d’expression.

Si l’accès à de tels espaces relève bien d’un droit constitutionnel et se doit d’être le plus large possible7, les entreprises privées qui en sont à l’origine sont donc libres d’en modérer les contenus.

La nécessaire « canalisation » des contenus à l’ère de la manipulation de l’information

La solution ainsi rendue par la cour d’appel présente un double intérêt. Tout d’abord, elle intervient à point nommé au titre de la lutte contre la manipulation de l’information. Au-delà de la liberté d’expression, la visi­bilité des canaux de « réinformation » doit beaucoup au développement des services de communication en ligne, et plus particulièrement des services d’hébergement tels que les réseaux sociaux et les plateformes de contenus. Ceux-ci ont en effet contribué à décloisonner toutes les sources d’information en leur conférant une parfaite égalité d’accès sans égard pour la qualité et l’honnêteté des contenus qu’elles diffusent.

Les mouvements complotistes, et plus généralement les services pratiquant la manipulation de l’information à grande échelle, ont ainsi trouvé une audience potentielle similaire à celles des services classiques de presse écrite ou audiovisuels. Du reste, celle-ci serait accrue par l’utilisation de méthodes de référencement permettant de faire remonter artificiellement les contenus, mais dont l’impact ne doit pas être négligé. Il importait donc de rappeler le rôle que peuvent jouer les opérateurs de plateformes et les réseaux sociaux à ce niveau, puisqu’ils sont à même d’intervenir sur les contenus profitant de leurs espaces.

Par ailleurs, ce rôle doit plus consister en une « canalisation » des contenus qu’en une véritable censure, comme cela était le cas en l’espèce. Si une analogie peut être faite avec les services de médias audiovisuels, c’est bien parce que ceux-ci sont historiquement caractérisés par leur capacité à définir une ligne éditoriale propre, pour ce qui concerne tant le fond que la forme des programmes qu’ils diffusent. De là en découle le libre choix des téléspectateurs et auditeurs entre des services de tendances et de caractères différents, chacun pouvant exclure les contenus contraires à sa ligne éditoriale.

Si l’on ne saurait exiger le même travail d’éditorialisation des services de plateformes et des réseaux sociaux, il importe que ceux-ci contribuent à hiérarchiser et classifier les contenus qu’ils stockent en fonction de critères tenant à la qualité ou à l’honnêteté de l’information, mais aussi au regard des risques qu’ils présentent pour la sensibilité des utilisateurs. Ceux-ci doivent ainsi disposer d’un « accès » éclairé, ce qui présuppose la délivrance préalable de certaines indications et/ou le classement des contenus. À ce titre, l’indication du caractère choquant de certaines vidéos participe de cette information de l’utilisateur et peut justifier la désactivation de celles auxquelles il ne souhaite pas être exposé. Cela se justifie d’autant plus que les vidéos postées par PragerU portent sur des sujets d’intérêt général. Un internaute ignorant le contenu de la vidéo serait tenté de cliquer sur celle-ci afin de s’informer. Comme dans le cas d’espèce, l’activation de la fonction mode restreint n’entraîne pas le retrait pur et simple des vidéos, puisque celles-ci ne tombaient pas sous le coup d’une interdiction de diffusion ou d’une infraction, mais elle préserve seulement les utilisateurs les plus sensibles.

Malgré le différentiel de régulation qui distingue les services de médias audiovisuels et les services de communication en ligne, il importe que ceux-ci garantissent un choix libre et objectif de leurs utilisateurs entre des contenus de tendances et de caractères différents. C’est là le meilleur moyen de les préserver de la manipulation de l’information.

L’incertitude sur les critères de « canalisation » mis en œuvre par YouTube

Si elle n’est pas dénuée d’intérêt dans le contexte actuel, la décision suscite malgré tout le doute quant aux moyens qui peuvent être employés à cette fin.

D’ailleurs, cette solution évite à la cour d’appel de prendre position sur ce qui constituait certainement le cœur du litige : sur la base de quels critères (objectifs) la plateforme YouTube peut-elle classer une vidéo en mode restreint ? La question est essentielle alors que cette classification ne porte pas sur des contenus qui tombent sous le coup d’une infraction et pour lesquels le retrait peut se justifier. On rappellera par ailleurs que ce classement peut être effectué de manière automatique à l’aide d’un algorithme analysant le contenu. Surtout, la question se posait particulièrement pour les vidéos postées par PragerU. Si la chaîne de l’association est effectivement connue pour sa rhétorique et son orientation politique, il ne semble pas qu’elle ait diffusé des propos incitant à des comportements dangereux ou à la violence, ni accompagné ceux-ci d’images qui puissent choquer certains publics. Le fait d’évoquer des sujets de société sensibles doit-il dès lors être considéré comme potentiellement choquant ? La diffusion d’informations ou d’idées qui « heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population »8 ne relève-t-elle pas de l’essence même de la liberté d’expression ?

De la même manière que pour la distinction entre les « vraies » et les « fausses » informations, la classi­fication des contenus « choquants » peut paraître bien difficile et arbitraire, dès lors qu’elle touche à des aspects qui sont plus d’ordre moral et éthique que juridique. Si les récepteurs doivent disposer d’un libre choix entre plusieurs contenus, on ne doit pas oublier que les émetteurs d’idées et d’informations doivent eux aussi bénéficier d’une visibilité suffisante pour atteindre le public. Les choix effectués par YouTube ne sont donc pas neutres au regard de la liberté d’expression. Cela interroge sur la portée des pouvoirs qui sont ainsi conférés à des entreprises privées pour réguler elles-mêmes leurs espaces d’expression, ce d’autant plus que leur utilisation est devenue incontournable dans l’environnement numérique actuel. La question se pose plus généralement au titre de la lutte contre la manipulation de l’information et contre les atteintes aux droits d’auteur. Le constat doit malgré tout être relativisé au regard de la diversité des services de communication au public en ligne. S’agissant de PragerU, on signalera que l’association dispose également d’un site web où toutes ses vidéos sont disponibles en libre accès, y compris celles que YouTube a classées en mode restreint (elles y disposent même d’une page spécialement dédiée !)9. Les choses pourraient néanmoins changer plus vite que prévu avec la récente intervention du pouvoir exécutif dans le débat.

Le décret du 28 mai 2020 : fin de la libre modération ?

Ce débat sur la libre modération des plateformes allait finalement rebondir quelques semaines plus tard, en étant soulevé par le président des États-Unis en personne.

Le sujet est d’autant plus sensible pour Donald Trump qu’il est lui-même un utilisateur actif du réseau Twitter, où il ne manque pas de s’exprimer sur toutes sortes de sujets en sa qualité de président. Pour cette raison, son compte a aussi été qualifié de « place publique » ouverte à tout citoyen américain, ce qui interdit à son titulaire de faire usage de la fonction­nalité de blocage10.

Cette fois-ci, le réseau social s’est attiré les foudres de Donal Trump à la suite du signalement de certains de ses tweets. Ceux-ci étaient relatifs au vote par correspondance que l’État de Californie entend mettre en place dans le cadre des mesures sanitaires liées à l’épidémie de Covid-19 ; le président a estimé qu’un tel vote serait « substantiellement frauduleux » et s’en est éga­lement pris au gouverneur de Californie. Twitter a signalé ces contenus comme « trompeurs » et a ajouté une mention de « fact checking » invitant les lecteurs à consulter des articles de presse pour obtenir des informations objectives et vérifiées. Si Twitter agit de la sorte pour la première fois à l’égard du président des États-Unis, nous rappellerons qu’il a déjà pu retirer des tweets des présidents brésilien et vénézuélien Jair Bolsonaro et Nicolás Maduro, le premier pour avoir remis en cause les mesures de confinement dans le cadre de la crise sanitaire11, et le second pour avoir suggéré d’utiliser des remèdes naturels contre le Covid-1912.

Si ces contenus peuvent évidemment apparaître comme « trompeurs », une mesure aussi radicale que le retrait démontre encore l’importance des pouvoirs acquis par Twitter, qui se trouve à même de censurer la parole émise par des autorités publiques, et plus particuliè­rement de chefs d’État. Celle-ci devrait pouvoir être le plus largement consultée pour être mieux débattue et critiquée. Aussi, le signalement des tweets de Donald Trump apparaît être une mesure beaucoup plus souple et respectueuse de la liberté d’expres­sion, tant du point de vue de l’émetteur que de celui des récepteurs de ces contenus. Elle participe bien de la « canalisation » que nous avons évoquée plus tôt et ne peut qu’encourager les lecteurs à recouper leurs sources s’agissant d’un débat public.

Toutefois, le président américain a accusé les réseaux sociaux de vouloir interférer dans la campagne présidentielle en censurant les opinions conservatrices. L’argumentaire rappelle évidemment celui qui est employé par PragerU, qui accuse les plateformes et les réseaux sociaux d’être excessivement rigoureux à l’égard de certains courants politiques. Après avoir annoncé sa volonté de « réglementer », voire de « fermer », les réseaux sociaux en cas de récidive, Donald Trump a finalement signé un décret le 28 mai 2020 tendant à restreindre les cas dans lesquels ils peuvent modérer des contenus. Dans son discours préalable à la signature13, le président a dénoncé le pouvoir acquis par les plateformes et les réseaux sociaux sur l’exercice de la liberté d’expression. Selon lui, ces (quelques) entreprises sont à même de censurer, limiter ou déformer tout contenu et toute opinion portant sur un sujet d’intérêt général dans une mesure inégalée jusqu’à présent. Surtout, le président dénonce la prétendue neutralité des plateformes qui, sous couvert de modération, prennent en vérité des décisions éditoriales, y compris dans le choix des contenus qu’elles renvoient au fact checking. Ce choix serait marqué par des biais politiques évidents.

Aussi, le décret censé « prévenir la censure en ligne » a pour principal objet de limiter le régime d’irresponsa­bilité dont bénéficiaient les plateformes et réseaux sociaux sur la base du paragraphe 230.c) du Communications Decency Act de 199614. Celui-ci dispose que les fournisseurs de services interactifs ne sauraient être tenus responsables des contenus postés par leurs utilisateurs (1), dans des termes qui rappellent en France ceux de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004. Le paragraphe 230 précité ajoute que la responsabilité civile de ces services ne saurait non plus être engagée du seul fait qu’ils aient retiré ceux de ces contenus qui présentent un caractère pornographique, indécent, grossier ou excessivement violent, présentant un risque pour les mineurs (2). Désormais, selon le nouveau décret, toute modération d’un contenu ne relevant pas « objectivement » de l’une de ces catégories devra être considérée comme un choix éditorial échappant à ce « bouclier » d’irresponsabilité. Tel sera le cas particulièrement des contenus relatifs à des sujets de nature politique, les plateformes ne pouvant plus tirer argument de leurs conditions générales d’utilisation pour passer outre cette nouvelle disposition.

Le décret charge également la Federal Trade Commission et le procureur général des États-Unis de son application et de l’évaluation des moyens propres à en garantir le respect, notamment au niveau des plaintes qui pourront à l’avenir être déposées par des utilisateurs.

Une mauvaise réponse à un vrai problème

Si le texte s’attaque au problème crucial que pose la modération des contenus, à savoir la nature et la légitimité des critères utilisés par les plateformes, il n’est pas sûr pour autant qu’il constitue la solution la plus adaptée15.

Tout d’abord, le décret s’appuie sur une mauvaise lecture du paragraphe 230 du Communications Decency Act, puisqu’il lie les deux régimes d’irresponsabilité, alors que ceux-ci étaient originellement distincts16. Cela implique des effets paradoxaux et contre-productifs, car les plateformes seraient responsables non seulement de leurs propres décisions de modération (ce qui semble avoir été l’intention initiale de Donald Trump) mais aussi des contenus postés par les utilisateurs hors ceux qui restent couverts par le paragraphe 230. La conséquence est prévisible : les plateformes seront tentées de réguler leurs espaces d’expression encore plus strictement pour ne pas être tenues responsables des contenus choquants ou diffamatoires qu’elles auraient hébergés. Le risque est grand en matière de débat politique, qui peut très vite dégénérer. Le décret est d’autant plus paradoxal à ce niveau que le président Donald Trump a été le principal bénéficiaire du régime d’irresponsabilité pendant des années ! Comme l’ont relevé certains commentateurs, les réseaux sociaux ne prendront plus le risque d’héberger ses propres « mensonges, diffamations et menaces »17. Aussi, il n’est pas sûr qu’un tel décret puisse survivre au premier amendement de la Constitution en cas de recours devant une juridiction fédérale, le régime d’irresponsabilité des plateformes contribuant grandement à l’exercice de la liberté d’expression par des moyens de communi­cation en ligne.

Si certains estiment que le décret est avant tout un coup politique de Donald Trump, qui cherche surtout à conserver les faveurs de Facebook18, il crée cependant une certaine insécurité pour l’ensemble des opérateurs de plateformes et de réseaux sociaux, qui sont exposés aux poursuites de leurs utilisateurs mécontents comme PragerU. À voir comment les juridictions pourront jouer leur rôle de contre-pouvoir…

Sources :

  1. « Les « fausses nouvelles », éléments d’un écosystème médiatique alternatif ? », G. Latzko-Toth, in F. Sauvageau, S. Thibault et P. Trudel [Dir.], Les fausses nouvelles – Nouveaux visages, nouveaux défis, PUL, 2018, p. 56-58.
  2. « Searching for Alterntive Facts : Analyzing Scriptural Inference in Conservative News Practices », F. Tripodi, Data & Society – PhD 2017, Sociology, University of Virginia, 64 p. (voir p. 35 et s., pour le cas de PragerU).
  3. « Approches européenne et américaine de la liberté d’expression dans la société de l’information », L. Pech, CCE, juillet 2004, p. 13-19.
  4. United States Court of Appeals for the Ninth Circuit, Prager University v. Google LLC, FKA Google Inc. ; Youtube LLC, no. 18-15712, February 26, 2020.
  5. « Social Media and Censorship : Rethinking State Action Once Again », M. Patty, Mitchell Hamline L. J. Pub. Pol’y & Prac., vol. 40, Spring 2019, p. 99-136.
  6. Supreme Court of the United States, Manhattan Community Access Corp. v. Halleck, no 17-1702, 587 U.S. (2019), June 17, 2019.
  7. Supreme Court of the United States, Packingham v. North Carolina, 582 U.S. 2017), June 19, 2017.
  8. Selon la formule employée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son célèbre arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c./ Royaume-Uni, no 5493/72 (§ 49).
  9. https://www.prageru.com/
  10. United States District Court for the Southern District of New York, Knight First Amendment Inst. at Columbia Univ. v. Trump, n° 1 : 17-cv-5205 (S.D.N.Y.), no 18-1691 (2d Cir.), May 23, 2018.
  11. « Coronavirus : Twitter supprime deux tweets de Bolsonaro remettant en cause le confinement », avec l’AFP, Le Monde, 30 mars 2020.
  12. « Nicolás Maduro conseille des « remèdes naturels » pour se prémunir du coronavirus, son tweet est supprimé », X. Demagny, France Inter, 24 mars 2020.
  13. « Remarks by President Trump Announcing an Executive Order on Preventing Online Censorship », White House, May 28, 2020.
  14. Executive Order on Preventing Online Censorship, May 28, 2020.
  15. « Dangers of Trump’s Executive order Explained », D. Greene et C. McSherry, Electronic Frontier Foundation, May 31, 2020.
  16. « Trump Executive Order Misreads Key Law Promoting Free Expression Online and Violates the First Amendment », D. Greene et A. Mackey, Electronic Frontier Foundation, May 28, 2020.
  17. « Trump’s Order on Social Media Could Harm One Person in Particular : Donald Trump », P. Baker et D. Wakabayashi, New York Times, May 28, 2020. 
  18. « Trump Is Doing All of This for Zuckerberg », Z. Tufekci, The Atlantic, May 29, 2020. 
Professeur de droit privé à Aix-Marseille Université et directeur adjoint du Laboratoire interdisciplinaire de droit des médias et des mutations sociales (LID2MS).

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