Un code européen contre la désinformation

En adoptant un code renforcé de bonnes pratiques contre la désinformation, la Commission européenne rappelle que le DSA ne réglera pas tout. Quand les contenus ne sont pas interdits mais posent problème, l’autorégulation l’emporte afin de préserver la liberté d’expression en ligne.

Mis en place dès 2018, deux ans après l’élection de Donald Trump et le vote des Britanniques en faveur du Brexit, deux scrutins marqués par l’importance des fake news, le « code de bonnes pratiques » imaginé par Bruxelles pour inciter les grands acteurs de l’internet à lutter contre la désinformation n’a pas tenu toutes ses promesses. Sa principale limite tenait au choix de l’autorégulation, ce qui rendait possible des arran­gements avec les enga­gements pris. Twitter, par exemple, a été souvent critiqué pour la faiblesse des moyens consacrés à la modération des propos sur son service. D’autres acteurs ont même préféré ne pas s’engager, et pas des moindres, ainsi d’Apple et d’Amazon.

Avec la pandémie de Covid-19 et la profusion de fausses informations sur le virus ou sur les vaccins, l’urgence d’une plus grande régulation a ressurgi. La Commission européenne a donc présenté, le 26 mai 2021, une nouvelle version de son code de bonnes pratiques, négociée depuis avec les acteurs de l’internet. Le contexte a toutefois changé entre le premier code et le nouveau qui entrera en vigueur en décembre 2022. Entre-temps, le Digital Services Act (DSA) a fait l’objet d’un accord tripartite, le 23 avril 2022, entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Or, le DSA sera contraignant et il reprend une bonne partie des engagements répertoriés dans le nouveau code de bonnes pratiques contre la désinformation. Ce dernier a été adopté le 16 juin 2022. Il reste complémentaire du DSA car il traite de contenus qui, souvent, ne sont pas illégaux, quand le DSA vise principalement ces derniers. En effet, en matière de désinformation, la Commission européenne a souhaité ne pas interdire certains contenus afin de préserver la liberté d’expression en ligne, tout en œuvrant, avec les acteurs de l’internet, à limiter la visibilité en ligne des contenus les plus problématiques, et à limiter aussi leurs sources de financement.

Le code renforcé de bonnes pratiques comporte 44 engagements et près de 150 indicateurs. Une partie du code porte directement sur la publicité en ligne. Les régies s’engagent à ne pas afficher de publicités sur les sites qui propagent la désinformation, et à lutter contre les publicités qui véhiculent des messages conspirationnistes. Enfin, la publicité politique devra être signalée de manière explicite. Les acteurs de l’internet s’engagent aussi à lutter contre les formes de manipulation qu’engendre la surexposition de certains messages par l’intermédiaire de robots, un classique des opérations d’influence sur internet, notamment en partageant entre eux l’information quand un agent malveillant est identifié. Le code invite également les acteurs de l’internet à privilégier l’information émanant de médias sérieux, le terme « sources d’autorité » étant inscrit dans le texte final, en même temps qu’il les engage à informer les internautes sur le fonctionnement de leurs algorithmes et de leurs systèmes de recommandation. Enfin, les acteurs de l’internet sont invités à collaborer avec des tiers de confiance, qu’il s’agisse de chercheurs qui travaillent sur la désinformation ou de services de fact-checking afin d’estimer la véracité des contenus qui circulent sur leurs services. Chercheurs et journalistes sont donc amenés à décider des conditions qui permettent d’établir ce qu’est une « source d’autorité » dans le domaine de l’information, un sujet qui alimente depuis toujours la controverse entre scientifiques et plus largement entre chercheurs, journalistes et publics.

Sources :

  • « Désinformation : Bruxelles durcit son code de bonne conduite », Raphaël Balenieri, Les Échos, 27 mai 2021.
  • « The 2022 Code of Practice on Disinformation », Commission européenne, digital-strategy.ec.europa.eu, 16 juin 2022. 
  • « Désinformation en ligne : Bruxelles montre les dents », Derek Perrotte, Les Échos, 17 juin 2022.
  • « Un nouveau code européen contre la désinformation », Chloé Woitier, Le Figaro, 17 juin 2022.

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