Avec Take-Two, Electronic Arts veut prendre sa revanche sur Vivendi

L’annonce du rapprochement de Vivendi Games et Activision, fin 2007, semble inaugurer un cycle de consolidation dans le marché du jeu vidéo, qui devrait voir émerger quelques majors en oligopole. Ainsi, l’ancien numéro un du secteur, Electronic Arts, lance la première OPA du genre sur ce marché en direction de Take-Two, son outsider américain. Mais la prise de contrôle d’industries créatives, quand elle ne repose par sur un accord des deux entreprises, est toujours un pari risqué.

Après l’annonce, le 2 décembre 2007, du rapprochement entre Vivendi Games et Activision, créant ainsi le premier éditeur mondial de jeux vidéo (voir le n° 5 de La revue européenne des médias, Hiver 2007-2008), l’ancien numéro un, Electronic Arts, a réagi avec une offre de rachat sur son compatriote Take-Two, quatrième éditeur de jeux vidéo dans le monde, derrière l’ensemble Vivendi-Activision, suivi d’Electronic Arts et, en troisième position, du français Ubisoft.

Après deux tentatives amicales infructueuses, les 6 et 19 février 2008, Electronic Arts a tenté une dernière fois, le dimanche 25 février 2008, de convaincre le conseil d’administration de Take-Two par une offre attractive, à 26 dollars par action, soit une valorisation de Take-Two proche de 2 milliards de dollars (1,35 milliard d’euros), ce qui correspond à une prime de 50 % sur la capitalisation boursière de Take-Two par rapport au cours en bourse du titre le vendredi 23 février. Strauss Zelnick, le président du conseil d’administration de Take-Two, a aussitôt précisé considérer l’offre d’Electronic Arts comme hostile, dans la mesure où elle sous-évaluerait les actifs de Take-Two. La cible traverse en effet une passe difficile, avec 138 millions de dollars de pertes en 2007, mais compte sur la sortie de son jeu phare, Grand Theft Auto IV, le 29 avril 2008, pour relancer ses ventes. En conclusion, en plus d’être insuffisante sur le plan financier, l’offre d’Electronic Arts a été considérée comme prématurée, Take-Two renvoyant à d’éventuelles négociations après le 29 avril 2008. L’actionnariat de Take-Two suivra-t-il Strauss Zelnick ?

A l’évidence, Electronic Arts ne le croit pas : le 13 mars 2008, le groupe lançait une offre publique d’achat (OPA) hostile sur Take-Two, clôturée au 11 avril 2008, c’est-à-dire avant la date butoir du 29 avril et le lancement de Grand Theft Auto. La valorisation proposée de Take-Two est identique à l’offre du 25 février, à 26 dollars par action. Le 29 mars 2008, Electronic Arts repoussait au 18 avril la date de clôture de son offre, l’assemblée générale de Take-Two se tenant le 17 avril. Pour Electronic Arts, le risque est en effet de voir la direction de Take-Two mettre en place une pilule empoisonnée au profit des actionnaires actuels. Face à cette éventualité, et finalement résolu à attendre la sortie de Grand Theft Auto IV, l’offre publique d’achat d’Electronic Arts a encore été remportée depuis et court désormais jusqu’au 16 mai.

Reste que le rachat de Take-Two par Electronic Arts ferait naître un géant du jeu vidéo avec, en 2008, un chiffre d’affaires annuel supérieur à 5 milliards de dollars, loin devant Vivendi-Activision, dont le chiffre d’affaires annuel 2008 devrait être proche de 4 milliards de dollars. Par ailleurs, le contrôle de Take-Two permettra à Electronic Arts de ne plus baisser ses prix face à son unique concurrent sur le marché stratégique des jeux vidéo sportifs, notamment aux Etats-Unis où, en 2007, Electronic Arts contrôlait déjà 62,5 % du marché face à Take-Two avec 13,8 % du marché.

Mais la prise de contrôle de Take-Two par Electronic Arts risque de se compliquer à mesure que le jeu Grand Theft Auto IV s’impose comme un best-seller du jeu vidéo pour l’année 2008. En effet, la direction de Take-Two avait correctement anticipé le succès annoncé de son jeu phare. Depuis sa sortie, le 29 avril 2008, les résultats sont spectaculaires : dès sa première semaine de commercialisation, le jeu a été vendu à 6 millions d’exemplaires, dégageant un chiffre d’affaires de plus de 500 millions de dollars.

Sources :

  • « Electronic Arts lance une OPA hostile sur Take-Two », J.H., Les Echos, 25 février 2008.
  • « Electronic Arts riposte à Vivendi en s’attaquant à Take-Two », Sandrine Cassini, La Tribune, 26 février 2008.
  • « Electronic Arts à l’assaut de Take-Two pour répondre à Vivendi », Laetitia Mailhes, Jean-Christophe Féraud, Les Echos, 26 février 2008.
  • « Electronic Arts lance une offre d’achat hostile sur Take-Two », G.P., Les Echos, 14 mars 2008.
  • « Electronic Arts tente de passer en force sur Take-Two », Sandrine Bajos, La Tribune, 14 mars 2008.
  • « Take-Two veut contraindre Electronic Arts à relever son offre », Jean- Christophe Féraud, Les Echos, 27 mars 2008.
  • « Electronic Arts dénonce la “pilule empoisonnée” de sa cible Take-Two », G.P., Les Echos, 31 mars 2008.
  • « Avec le jeu GTA IV, Take-Two joue son avenir face à Electronic Arts », Emmanuel Paquette, Les Echos, 29 avril 2008.
  • « Take-Two a vendu en une semaine près de 6 millions d’exemplaires de GTA IV », Les Echos, 9 mai 2008.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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