Google Book multiplie les accords avec les bibliothèques européennes

Annoncé mi-mars 2007, le ralliement de la bibliothèque de Bavière au projet Google Book Search va permettre au leader américain de la recherche en ligne de proposer un million de livres supplémentaires à ses utilisateurs, pour l’essentiel en langue allemande. En échange, Google s’est engagé auprès de la bibliothèque de Bavière à numériser ses ouvrages, ceux concernés par le projet de recherche de livres étant tous tombés dans le domaine public. En effet, afin d’éviter les procès, Google s’interdit de scanner en Europe les ouvrages encore protégés par le droit d’auteur. La même approche a été retenue pour le partenariat, annoncé le 15 mai 2007, entre Google Book et la bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCU). L’accord, qui ne porte que sur 100 000 livres des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles,est toutefois symbolique dans la mesure où il concerne pour la première fois des ouvrages francophones.

Avec la bibliothèque de Bavière et la bibliothèque universitaire de Lausanne, Google compte donc cinq partenaires en Europe après les accords déjà passés avec la bibliothèque universitaire d’Oxford en Grande-Bretagne, la Bayerische StaatsBibliothek en Allemagne, Complutense à Madrid et la bibliothèque nationale de Catalogne.

Aux Etats-Unis, la stratégie de Google Book est plus agressive. En effet, s’appuyant sur une interprétation souple du fair use, l’équivalent américain du droit de citation, tel que définit dans le Copyright Act de 1976, Google se permet de numériser également les ouvrages encore protégés par le droit de propriété intellectuelle, arguant que son projet ne consiste pas à diffuser gratuitement des livres numérisés sans rémunérer les ayants droit, mais au contraire à faciliter l’accès aux textes et à stimuler par là même les ventes de livre.

Aux Etats-Unis, Google a passé des accords de numérisation avec les bibliothèques universitaires de Princeton, de l’Université de Californie, de Harvard, du Michigan, de Stanford, de l’université du Texas à Austin, des universités de Virginie et du Wisconsin, enfin avec la New York Public Library. En outre, sur le plan mondial, Google revendique quelque 10 000 accords de partenariat avec des éditeurs dont, en France, les Editions L’Harmattan et Masson. Mais les accords avec les bibliothèques sont beaucoup plus intéressants pour la firme de Mountain View. En effet, le partenariat avec des bibliothèques permet à Google d’accélérer son processus de numérisation en s’appuyant sur les classements déjà opérés par les documentalistes afin de proposer des sélections d’ouvrages cohérentes.

Pour autant, les accords passés avec les biblio- thèques n’empêchent pas Google de devoir affronter les éditeurs américains. Ainsi, lors de l’assemblée générale de l’Association des éditeurs américains, réunie le 6 mars 2007 à New York, les acteurs de l’édition se sont retrouvés aux côtés de Microsoft pour dénoncer les infractions à la loi sur le copyright par Google. Les déclarations de Thomas Rubin, avocat de Microsoft, sont à cet égard significatives : « Des entreprises qui ne créent pas de contenus font de l’argent seulement sur le dos d’auteurs et d’éditeurs en raflant des milliards de dollars, à l’aide de recettes publicitaires ou de leur introduction en Bourse ». Le soutien inattendu de Microsoft aux éditeurs américains s’explique par la position du groupe de Redmond, qui propose un service similaire de recherche de livres, mais en accord avec les éditeurs et qui concerne uniquement les ouvrages tombés dans le domaine public. Enfin, la critique principale des éditeurs à l’égard de Google Book concerne la stratégie du moteur de recherche qui admet vouloir respecter le droit sur le copyright, mais considère qu’il revient aux éditeurs de signaler lesquels de leurs livres ne doivent pas être numérisés et proposés en ligne.

Confrontées à la position dominante de Google, tant en termes d’ouvrages numérisés (plus d’un million de livres) que de capacités financières, la France et l’Europe soutiennent le projet de bibliothèque numérique européenne (BNUE), lancé par la Bibliothèque nationale française (BNF). Rebaptisé Européana, ce projet a abouti à la mise en ligne d’un premier site fin mars 2007 où l’on trouve, à côté de 7 000 ouvrages français, quelques milliers d’ouvrages hongrois et portugais, la BNF n’étant pour l’instant parvenue à passer des accords qu’avec les bibliothèques nationales de ces deux pays.

Sources :

  • « Le coup de force de Google », Livres de France, n° 287, septembre 2005.
  • « Microsoft dénonce les pratiques de Google sur le droit d’auteur », M.C., Le Figaro, 7 mars 2007.
  • « Bibliothèque numérique : Google tisse peu à peu sa toile en Europe », Nathalie Silbert, Les Echos, 12 mars 2007.
  • « La BNF met en ligne l’ébauche de la future Bibliothèque numérique européenne », Les Echos, 23 -24 mars 2007.
  • « La bibliothèque de Lausanne rejoint Google », Associated Presse, in latribune.fr, 15 mai 2007.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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