Google Video et YouTube également menacés de procès en série

Après Google News Belgique, ce sont les services d’échange de vidéos détenus par le moteur de recherche californien qui sont désormais menacés de procès.

En France, Flach Films, qui a produit le documentaire de William Karel, Le Monde selon Bush, et les Editions Montparnasse, qui le distribuent, ont d’ores et déjà assigné Google en justice. Les deux sociétés reprochent à Google Video France de laisser accessible depuis son site un lien permettant de télécharger, dans son intégralité et sans rémunération, le documentaire en question. Elles ont ainsi fait constater à deux reprises, par l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), le fait qu’il est possible de télécharger Le Monde selon Bush depuis Google Video France. Elles reprochent en outre à Google Video de ne pas avoir répondu entièrement à leurs demandes relatives au droit des auteurs à autoriser la communication de leurs œuvres. En effet, dans un courrier du 6 octobre 2006, Flach Films et les éditions Montparnasse avaient demandé à Google de retirer l’ensemble des liens permettant d’accéder au documentaire Deux d’entre eux ont depuis été supprimés de Google Video, mais un troisième lien est toujours actif. Considérant que plus de 43 000 internautes ont pu accéder ainsi au documentaire, les deux sociétés ont attaqué Google en justice pour « contrefaçon et parasitisme » et demandent un million d’euros de dommages et intérêts. Elles refusent à Google Video le statut d’hébergeur et le considèrent comme un portail responsable des contenus qu’il diffuse. En effet, les plaignants s’appuient sur le fait qu’il n’y a pas, sur Google Video France, de films ou d’extraits de films à caractère raciste, négationniste ou pédophile, ce qui atteste de la capacité de Google Video de repérer les contenus mis en ligne et d’en contrôler l’accès.

Cet argumentaire est celui repris, aux Etats-Unis, par certains des éditeurs de musique et producteurs de films à l’égard de YouTube, la plate-forme communautaire d’échange de vidéos achetée par Google, en octobre 2006, pour 1,65 milliard de dollars. S’appuyant sur le filtrage effectif des clips pornographiques ou contenant des messages d’incitation à la haine, des groupes comme CBS ou NBC reprochent à YouTube de ne pas tout faire pour limiter la diffusion illégale, par les internautes, de vidéoclips ou de films protégés par le droit de propriété intellectuelle. En définitive, les majors américaines reprochent à YouTube une absence d’intervention qui s’assimile à une incitation passive au téléchargement illégal sur Internet. Google leur propose en effet de filtrer les contenus, mais seulement une fois passé un accord de diffusion avec les ayants droit, l’entreprise californienne invoquant des motifs techniques qui imposeraient une coopération avec les éditeurs pour un filtrage efficace. Autant dire qu’en l’absence d’accord de diffusion, YouTube ne peut pas, ou ne veut pas, selon ses détracteurs, empêcher l’échange illégal de contenus protégés. A l’évidence, l’enjeu est de taille pour le site d’échange de vidéos : depuis que les internautes mettent en ligne des contenus protégés par le droit d’auteur, l’audience du site s’est littéralement envolée au point de cumuler, fin 2006, 41 % des parts du marché américain de la vidéo en ligne avec 30 millions de visiteurs uniques par mois.

Considérant que « la stratégie de YouTube a été d’éviter de mettre en place des moyens de protection de façon à laisser passer les infractions », Viacom, qui possède la chaîne musicale MTV ou encore Paramount, a déposé une plainte conte le site d’échange de vidéos, le 13 mars 2007, pour « infraction massive et intentionnelle des droits d’auteur ». En février, Viacom, qui était en négociation avec YouTube pour trouver un accord de rémunération, avait déjà demandé à l’entreprise de retirer de son site 100 000 vidéos issues de ses émissions ou catalogues. YouTube avait fait suite à cette demande afin de mettre le site en conformité avec le Digital Millenium Copyrights Act, qui prévoit que les auteurs autorisent la communication en ligne de leurs œuvres. Mais Viacom considère que ce sont quelque 160 000 clips vidéo lui appartenant qui ont été diffusés sur YouTube pour être vus, en définitive, plus de 1,5 milliard de fois – ce qui permet à Viacom de demander à Google 1 milliard de dollars de dommages et intérêts, plus de la moitié du prix payé par Google par acheter YouTube (1,65 milliard de dollars) et le tiers des sommes que Google reverse chaque année aux ayants droit (3 milliards de dollars).

Autant dire que, indépendamment des résultats du procès ou d’un quelconque accord entre Google et Viacom, le modèle économique de YouTube est sérieusement fragilisé qui consiste à monétiser le trafic important généré par le site grâce à la publicité sans avoir à payer pour les contenus diffusés ni à demander, en contrepartie, une participation financière aux internautes.

Aux Etats-Unis, YouTube, et à travers lui Google, n’est pas le seul site concerné par les procès pour violation des droits de propriété intellectuelle. Depuis qu’il a été racheté par News Corp. en juillet 2005, le site communautaire MySpace a été accusé par Universal Music Group, en novembre 2006, de laisser diffuser illégalement des contenus musicaux ou des clips vidéo protégés. Universal réclame 150 000 dollars de dommages et intérêts pour chaque titre disponible sur le site. Cette plainte à l’encontre de MySpace est la seule qui concerne l’écoute et le visionnage en streaming de contenus protégés, les autres plaintes relatives au droit d’auteur portant en général sur le téléchargement définitif.

Sources :

  • « Viacom refuse de brader ses clips vidéo sur You Tube », Emmanuel Torregano, Le Figaro, 5 février 2007.
  • « Google accusé de pirater des films », Nicole Vulser, Le Monde, 23 février 2007.
  • « MySpace, phénomène du Web », Laetitia Mailhes, Les Echos, 23-24 février 2007
  • « Google peine à attirer les fournisseurs de contenus sur YouTube », Laetitia Mailhes, Les Echos, 28 février 2007.
  • « Viacom réclame 1 milliard de dollars à Google et YouTube », Les Echos, 13 mars 2007.
  • « Viacom attaque YouTube sur les droits d’auteur », S.C., La Tribune, 14 mars 2007.
  • « Viacom réclame 1 milliard de dollars à YouTube pour diffusion illégale de vidéos », Olivier Zilbertin, Le Monde, 15 mars 2007.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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