Responsabilité des services en ligne. Editeur de service ou hébergeur ?

A propos de TGI Paris, référé, 26 mars 2008, Olivier M. c. Sté Bloobox Net et de Cour d’appel de Paris, 14e ch., 21 novembre 2008, Sté Bloobox Net c. Olivier M.

S’agissant des services de communication au public en ligne, la loi française du 21 juin 2004, dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN), détermine différemment les conditions de la responsabilité des éditeurs de services et des fournisseurs d’hébergement. Il convient donc d’identifier très exactement la nature de la fonction exercée. Venant s’ajouter à une abondante jurisprudence, l’affaire du site fuzz.fr illustre les difficultés rencontrées, tant par les parties que par les juges, pour déterminer les responsabilités. En première instance (référé), la société Bloobox Net a été considérée comme éditeur de service. En appel, elle est qualifiée de fournisseur d’hébergement.

Editeur de service

L’article 6.III.1 de la loi du 21 juin évoque, sans autres précisions quant à la nature des tâches assumées, « la personne dont l’activité est d’éditer un service de communication au public en ligne ». Alors que, en référé, pour échapper à la mise en jeu de sa responsabilité, la société Bloobox Net revendiquait que lui soit reconnue la qualité d’hébergeur, c’est celle d’éditeur de service qui a été retenue par le juge. Celui-ci a notamment considéré que, même en renvoyant à un autre service par un lien hypertexte, « la partie défenderesse (opère) un choix éditorial, de même qu’en agençant différentes rubriques ». Il en conclut que « l’acte de publication doit donc être compris la concernant non pas comme un simple acte matériel, mais comme la volonté de mettre le public en contact avec des messages de son choix ; qu’elle doit donc être dès lors considérée comme un éditeur de service de communication au public en ligne ».

En appel, la société Bloobox Net contestait cette qualification. Elle réclamait celle de fournisseur d’hébergement.

Fournisseur d’hébergement

L’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 évoque les personnes qui assurent, « pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

En référé, la société Bloobox Net revendiquait déjà cette qualité d’hébergeur. C’est sur ce même fondement qu’elle justifiait son appel. Elle affirmait ne pas être « éditeur du lien hypertexte et du titre litigieux » et, « en tant que fournisseur du lien hypertexte », elle estimait devoir « être qualifiée d’hébergeur de celui- ci ».

Reprenant les définitions précédemment mentionnées, l’arrêt considère que « le prestataire technique […] assure, en vue de leur communication au public en ligne, le stockage de données fournies par des tiers et n’est pas, contrairement à l’éditeur, personnellement à l’origine des contenus diffusés ». En conséquence, « il convient d’apprécier si […] la société Bloobox Net détermine les contenus qui sont mis en ligne et si elle a la maîtrise du contenu éditorial ».

La Cour estime que « le fait pour la société Bloobox Net », bien que créatrice du site fuzz.fr, « de structurer et de classifier les informations mises à la disposition du public selon un classement choisi par elle permettant de faciliter l’usage de son service entre dans la mission du prestataire de stockage et ne lui donne pas la qualité d’éditeur dès lors qu’elle n’est pas l’auteur des titres et des liens hypertexte ». C’est la fonction de fournisseur d’hébergement qui doit lui être reconnue.

La complexité des techniques et de leurs usages et l’imprécision des définitions législatives supposées identifier les différentes activités exercées rendent délicate et incertaine la désignation des éditeurs de services et des fournisseurs d’hébergement, s’agissant de la mise en jeu de la responsabilité des services de communication au public en ligne. De cette distinction entre les deux fonctions dépend pourtant la détermination des personnes responsables. Les difficultés rencontrées par les juristes, à cet égard, sont très certainement égale à l’habileté des techniciens et exploitants à entretenir la confusion.

Sources :

  • « La responsabilité des prestataires d’hébergement sur l’internet », E. Barbry et F. Olivier, JCP 1999.II.10101.
  • « Où finira la responsabilité des fournisseurs d’hébergement ? », Fl. Chafiol-Chaumont, note sous Cour d’appel de Paris, 4e ch., 7 juin 2006, Tiscali Media c. Dargaud Lombart, Legipresse, octobre 2006, n° 235.III .181-185.
  • « Variabilité de la responsabilité encourue par les acteurs des blogs en fonction de la qualité de l’éditeur du blog et de la diligence de l’hébergeur », N. Dreyfus, RLDI, janvier 2007, n° 23, pp. 40-42.
  • « Quel avenir pour les sites de contenus générés par les utilisateurs ? Critique de la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris en matière de responsabilité des prestataires de stockage », Ch. Romano, Legipresse, septembre 2007, n° 244.II.103-109.
  • « Les amateurs. Création et partage de contenus sur Internet : nouveaux défis juridiques. Actes du Forum Legipresse du 4 octobre 2007 », Legicom, n° 41, 2008/1, 136 p.
  • « Les amateurs. Création et partage de contenus sur Internet : nouveaux défis juridiques », A. Granchet, , Legipresse, novembre 2007, n° 246.II.150-155.
  • « Juger au rythme de l’Internet », E. Derieux, à propos de TGI Paris, référé, 26 mars 2008, O. Martinez c. Sté Bloobox Net, JCP G., 2008.Actualités.254.
  • « Internet et responsabilité. Détermination des personnes responsables. Eléments de jurisprudence récente », E. Derieux, Petites affiches, 11 juillet 2008, pp. 7-19.
Professeur à l’Université Paris 2

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