La loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes de jeunesse de la télévision publique a été promulguée le 20 décembre 2016.
Cette loi, dont l’ambition est assez modeste, précise les obligations des éditeurs publics de services de télévision en matière de publicités commerciales à l’égard des mineurs. Elle s’insère néanmoins dans un contexte plus général tendant à renforcer la protection du jeune public dans les services de médias audiovisuels.
La réaffirmation de l’impératif de la protection du jeune public
La protection du jeune public face aux programmes télévisuels, et notamment aux communications commerciales, est une préoccupation ancienne. Les mineurs sont en effet réputés plus crédules et sensibles, et peuvent aisément être manipulés par des messages tentateurs. La directive « Télévisions sans frontières » s’en est souciée dès 1989 et exigeait, dans ses considérants, de « prévoir des règles pour la protection de l’épanouissement physique, mental et moral des mineurs dans des programmes et dans la publicité télévisée »1.
L’article 16 établissait par ailleurs des prescriptions quant au contenu des publicités destinées aux mineurs ou les mettant en scène. Ces dispositions seront reprises dans la loi du 30 septembre 1986, ainsi que dans le décret du 27 mars 19922. Le temps passant, cet objectif s’est quelque peu précisé pour inclure une dimension sanitaire. Le développement de l’obésité infantile et, plus généralement de mauvaises habitudes alimentaires, a justifié de nouvelles mesures de prévention ciblant précisément les publicités relatives à certaines denrées et boissons.
La directive « Services de médias audiovisuels » a ainsi prévu l’élaboration de codes de déontologie relatifs aux publicités accompagnant ou incluses dans les programmes pour enfants, et concernant les aliments dont la présence excessive dans le régime alimentaire global n’est pas recommandée3. De là a été adoptée, en France, la Charte alimentaire, qui porte certains principes et exigences quant à ce type de publicités4, en complément des recommandations de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, et sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Leur disparition à proximité des émissions pour enfants avait néanmoins été envisagée lors de l’élaboration de la charte.
Une interdiction limitée aux éditeurs publics de télévision
Cette suppression est désormais entérinée pour les éditeurs publics de télévision, réaffirmant cet impératif de protection sanitaire du jeune public. La loi du 20 décembre 2016, qui ne contient que deux articles, en entérine le principe, renforçant l’écart entre le secteur privé et le secteur public. Les publicités diffusées par les principaux éditeurs privés restent de toute façon encadrées par le système d’autorégulation précité.
Le CSA se voit confier, par l’article 1er de la loi, la mission de rendre compte au Parlement de l’application de la charte et d’émettre d’éventuelles recommandations à ce sujet. L’article 2 fixe les cas dans lesquels les publicités alimentaires disparaîtront de la proximité avec les programmes destinés aux mineurs : l’interdiction ne concernera que les chaînes du groupe France Télévisions ; elle ne sera applicable qu’aux programmes destinés aux mineurs de moins de 12 ans, pendant toute la durée de leur diffusion, ainsi que durant les quinze minutes qui précèdent et qui suivent ; seront substitués à ces publicités des messages relatifs à la santé et au développement des enfants, ainsi que des campagnes d’intérêt général.
L’étendue de cette mesure est légitime. La vocation non commerciale du secteur public et les missions de service public qui lui sont dévolues justifient que cette mesure soit limitée à ces seuls éditeurs, ce qui vaut toujours mieux qu’une interdiction générale. De plus, elle prend judicieusement en compte la vulnérabilité des mineurs pendant les plages horaires qui accompagnent directement la diffusion de leurs programmes préférés, que ce soit avant, pendant ou après. Il leur sera toujours possible de prendre connaissance de ces messages à d’autres moments de la journée, mais dans un contexte plus neutre. Il y va également d’une exigence de qualité des programmes proposés par le secteur public.
De façon assez remarquable, on notera que la mesure vaut également pour les programmes diffusés sur les sites web des éditeurs publics, ce qui conforte la volonté d’étendre la régulation de l’audiovisuel à des services qui relevaient jusqu’à présent de la communication en ligne.
Perspectives européennes et nord-américaines
La protection sanitaire du jeune public vis-à-vis des messages publicitaires a également rencontré un certain écho dans d’autres législations. L’autorité irlandaise de la radiodiffusion a ainsi pris des mesures similaires lors de la révision du code applicable aux communications commerciales destinées aux enfants, en juin 2013. La diffusion de publicités en faveur d’aliments à forte teneur en graisse, sucre ou sel est ainsi déconseillée dans les programmes pour enfants5. Au Royaume-Uni, ces mêmes publicités, qui étaient déjà interdites à la télévision, le seront également dans la presse, le cinéma et les réseaux sociaux à partir de juillet 2017, conformément à la nouvelle réglementation sur les pratiques publicitaires6. Le secteur privé est également capable de s’autoréguler sur la question.
Aux États-Unis, la Walt Disney Company a également pris des mesures concernant ses services en ligne et de télévision tendant à sensibiliser les enfants sur la nécessité d’avoir une alimentation équilibrée7.
Sources :
- Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle.
- Décret n° 92-280 du 27 mars 1992 pris pour l’application des articles 27 et 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de services en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat.
- Art. 3 sexies 2) de la directive 2007/65/CE du 11 décembre 2007 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités
de radiodiffusion télévisuelle. - Charte visant à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision, février 2009, reconduite en janvier 2014.
- Art. 11.4 of BAI Children’s Commercial Communications Code.
- New rules ban the advertising of high fat, salt and sugar food and drink products in children’s media, 08 December 2016, www.cap.org.uk/
- Disney Press Release of 4 June 2012.