Les CGU de Facebook sont soumises au code de la consommation selon l’Autorité de la concurrence italienne

L’Autorité de la concurrence italienne a infligé une amende de 10 millions d’euros à l’encontre de Facebook pour pratique commerciale trompeuse au sens du code de la consommation.

Les données personnelles sont protégées, comme on le sait, par des textes spéciaux. Ceux-ci garantissent la possibilité pour les personnes de contrôler les usages qui sont faits de leurs données et soumettent à cette fin les responsables de leur traitement à un certain nombre d’obligations. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), au niveau européen, et la loi « Informatique, fichiers et libertés », au niveau français, figurent parmi ces textes qui encadrent l’utilisation commerciale et la libre circulation des données personnelles (voir La rem n°42-43, p.21 et n°48, p.20).

D’autres textes ou branches spéciales du droit peuvent toutefois concourir à cette protection, d’une manière plus indirecte, mais tout aussi efficace. Tel est le cas du droit de la consommation, dont l’objectif est de protéger les consommateurs de biens et services contre les pratiques commerciales trompeuses. À ce titre, l’usage commercial des données personnelles justifie la soumission d’un certain nombre de services gratuits au droit de la consommation, quand bien même ils seraient gratuits pour l’utilisateur. Tel est le cas par exemple des réseaux sociaux, comme l’a décidé le tribunal de grande instance de Paris le 7 août 2018, justifiant ainsi l’annulation de plus de 260 clauses des conditions générales d’utilisation – CGU (voir La rem, n°48, p.26).

C’est ce raisonnement qu’a également retenu l’Autorité de la concurrence italienne pour infliger deux amendes à Facebook, pour un total de 10 millions d’euros, le 29 novembre 20181.

La qualification des CGU de Facebook en contrat de consommation

L’Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (AGCM) s’est concentrée sur la gratuité du service pour considérer les pratiques commerciales de Facebook comme étant trompeuses à l’égard des utilisateurs.

Tout comme dans le jugement français précité, l’autorité a rejeté les arguments du réseau social tendant à exclure l’application du code de la consommation du seul fait de la gratuité des services qu’il met en œuvre. Si celle-ci est avérée, elle ne constitue que la contrepartie de l’usage publicitaire des données. L’utilisation du réseau social relève donc bien d’un contrat à titre onéreux, l’absence de prix pour l’usager étant compensée par l’exploitation de ses informations personnelles. Aussi, ses conditions d’utilisation sont bien soumises au code de la consommation. Cela a conduit l’AGCM à constater que les utilisateurs du réseau social ne sont pas pleinement informés du sort de leurs données, l’accent étant justement mis sur la gratuité du service au détriment des finalités commerciales. De même, l’autorité reproche le caractère « agressif » des pratiques de Facebook, qui se permet de vendre les données à des entreprises partenaires sans en informer dûment les utilisateurs ni recueillir leur consentement exprès. Enfin, l’AGCM constate que les conditions générales d’utilisation ne laissent que peu de marge aux utilisateurs quant à la configuration de leurs pages personnelles, l’accès à certaines fonctionnalités étant conditionné au partage de leurs données.

Ces manquements justifient ainsi les deux amendes infligées à l’entreprise. L’autorité n’a pas manqué de réaffirmer, dans un communiqué, la nécessité, pour les réseaux sociaux, de rendre bien visibles par les utilisateurs les contenus publicitaires2, ceux-ci pouvant trop facilement être confondus avec d’autres types d’informations.

Perspectives

Dans la continuité de cette décision, on rappellera que l’Autorité française de la concurrence a également rendu, courant 2018, un avis sur le marché de la publicité en ligne3. Celui-ci rappelle bien entendu que la gratuité des services n’efface en rien leur caractère commercial, pas plus que la dimension concurrentielle. À ce titre, l’Autorité constate que Google et Facebook partagent une position dominante sur ce marché, bénéficiant notamment d’une certaine popularité ainsi que d’une intégration verticale dans l’édition et l’intermédiation publicitaire. Aussi, plusieurs pratiques ont été signalées, tenant notamment au couplage de contenus ou de traitements discriminatoires de la part des acheteurs dominants.

Pour Facebook, la situation ne s’arrange guère. On notera qu’une amende de 500 000 livres a été infligée au Royaume-Uni par l’Information Commissionner’s Office le 24 octobre 20184, en réponse directe aux défaillances mises en évidence dans le cadre de l’affaire Cambridge Analytica (voir La rem n°48, p.90). La Commission européenne, tout comme la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en France5, a également pressé le réseau social de mettre à jour ses conditions d’utilisation pour les mettre en conformité avec le cadre européen. Enfin, les dernières révélations portant sur le partage de données des utilisateurs de Facebook avec d’autres entreprises, y compris des informations relevant de la messagerie privée, devraient déclencher une nouvelle salve de poursuites. Tel est déjà le cas au Québec6, où une action collective a été déposée devant la Cour supérieure, après les résultats de l’enquête publiés par le New York Times le 18 décembre 20187.

Sources :

  1. PS11112 – Facebook – Condivisione dati con terzi, Provvedimento n. 27432, Bolletino n° 46, 10 dicembre 2018, p. 22-55.
  2. PS11270 – « L’Antitrust chiude anche la seconda moral suasion su influencer e marchi, ma avvia istruttoria per possibili promozioni occulte », http://www.agcm.it, 11 dicembre 2018.
  3. Avis n° 18-A-03 du 6 mars 2018 portant sur l’exploitation des données dans le secteur  de la publicité sur internet.
  4. Facebook Ireland Ltd monetary penalty notice, https://ico.org.uk, 24 October 2018.
  5. « La DGCCRF et la Commission européenne demandent à Facebook de modifier ses conditions générales d’utilisation pour respecter la réglementation », https://www.economie.gouv.fr, 20 septembre 2018.
  6. « Partage de données : nouvelle demande d’action collective contre Facebook », Vincent Larouche, LaPresse.ca, 22 décembre 2018.
  7. « As Facebook Raised a Privacy Wall, It Carved an Opening for Tech Giants », Gabriel J.X. Dance, Michael Laforgia and Nicolas Confessore, New York Times, December 18, 2018.
Professeur de droit privé à Aix-Marseille Université et rattaché au Laboratoire interdisciplinaire de droit des médias et des mutations sociales (LID2MS).

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