Enquêtes en série sur Google, sans véritables sanctions

Alors que la Commission européenne a de nouveau sanctionné Microsoft, Google parvient à échapper à toute sanction significative, tant des autorités de concurrence que des autorités chargées du respect de la vie privée. Après la FTC américaine, la Commission européenne a opté pour un accord à l’amiable. Seul le G27 semble, en Europe, vouloir contraindre Google à revoir sa politique de confidentialité, mais sans véritable pouvoir de coercition.

Google préservé aux Etats-Unis

Après avoir renoncé en 2008 à un accord avec Yahoo! qui aurait conduit à une intervention des autorités américaines (voir REM n°8, p.36), Google semblait placé sous surveillance aux Etats-Unis. Mais l’autorité chargée de la concurrence, la FTC (Federal Trade Commission) fait, depuis, preuve d’une certaine bienveillance à l’égard du géant américain d’Internet. Sollicitée dans les opérations de rachat menées par Google, elle a autorisé successivement la prise de contrôle de la régie mobile AdMob par Google en 2010 (voir REM n°14-15, p.36), ainsi que celle de Motorola Mobility en 2011 (voir REM n°24, p.13).

En revanche, les choses auraient pu se compliquer après les plaintes déposées par Microsoft, le guide local Yelp, le comparateur de shopping Nextag et le voyagiste en ligne Expedia. Ainsi la FTC a-t-elle confirmé, le 24 juin 2011, ouvrir une enquête sur un éventuel abus de position dominante par Google. Les griefs adressés à Google portent essentiellement sur le référencement et sur le marché de la publicité en ligne. La FTC a en effet soupçonné Google de favoriser ses services spécialisés dans les pages de résultats de son moteur de recherche, notamment ses activités dites de recherche verticale (localisation avec Google Maps, commerce en ligne avec Google Shopping, billets d’avion avec Google Flight …), et cela au détriment de ses concurrents directs. A vrai dire, la profonde modification de l’algorithme de Google Search en 2011, baptisée Panda (voir REM n°18-19, p.45), s’est traduite par une perte de visibilité importante pour certains concurrents de Google dans les services de recherche verticale, quand elle avait été présentée comme un moyen d’assurer une meilleure mise en valeur des sites de contenus – ce qui fut vrai pour les titres de presse en ligne mais ne l’a pas été pour d’autres acteurs du Web. Sur le marché publicitaire, la FTC a fait part de ses interrogations concernant AdWords, le système d’achat de mots clés et d’enchères en ligne pour les liens sponsorisés sur Google Search.

Aux Etats-Unis, la domination de Google Search sur le marché de la recherche en ligne est toutefois tempérée par les bonnes performances de Bing (Microsoft), renforcées grâce à son partenariat avec Yahoo! (voir REM n°12, p.36). Ainsi, selon Comscore, Google n’y contrôlait en janvier 2013 que 67 % des requêtes, à côté de Microsoft-Yahoo! avec 28,6 % des requêtes (16,5 % pour Bing et 12,1 % pour Yahoo Search). Cette situation, incomparable avec la situation européenne, où Google totalise plus de 90 % des recherches, aura certes joué en faveur du moteur de recherche. Reste que la FTC a surpris de nombreux spécialistes en annonçant, le 3 janvier 2013, mettre un terme à son enquête après un accord avec Google. En effet, elle avait été plus sévère quelques mois auparavant : en août 2012, la FTC avait reconnu Google coupable d’avoir installé des cookies au cœur de Safari, le navigateur d’Apple préinstallé dans chaque iPhone, afin d’espionner les pratiques des utilisateurs du smartphone d’Apple. Google s’était alors résolu à un accord, afin de ne pas être condamné, et avait accepté de verser 22,5 millions de dollars d’amende, ce qui finalement ne correspond qu’à dix-huit heures de bénéfices de Google… Un an plus tôt, en août 2011, Google avait dû pareillement se mettre d’accord avec le département américain de la justice après des poursuites engagées à la suite de l’autorisation par AdWords de l’achat de liens sponsorisés pour des produits pharmaceutiques pourtant interdits aux Etats-Unis sans ordonnance. Google avait alors accepté de verser 500 millions de dollars pour mettre fin aux poursuites.

De ce point de vue, la FTC a inversé le rapport de force en faveur de Google quand elle a reconnu, à l’issue de son enquête antitrust, que Google avait « sans doute développé des actions agressives pour prendre l’avantage sur ses concurrents », mais « sans enfreindre la loi ». Que ce soit en matière de référencement ou sur AdWords, les pratiques de Google ne sont donc pas jugées comme déloyales aux Etats-Unis, ce dont témoigne l’accord trouvé entre Google et la FTC qui ne porte que très marginalement sur le marché de la publicité. Google s’est en effet engagé à assouplir les conditions d’utilisation d’AdWords afin que les annonceurs qui y développent des campagnes puissent utiliser les données ainsi collectées sur les utilisateurs auprès d’autres plates-formes publicitaires, ce que refusait jusqu’alors Google. Enfin, Google s’est engagé auprès de la FTC à permettre une utilisation « juste, raisonnable et non discriminatoire » du stock de 24 000 brevets récupéré après le rachat de Motorola Mobility, dont certains sont des standards de marché. Google a donc préféré se passer de royalties importantes sur ses brevets pour préserver son dispositif publicitaire qui lui garantit encore 96,3 % de son chiffre d’affaires en 2012.

En prenant cette décision, le 3 janvier 2013, la FTC a envoyé un signal fort à la Commission européenne qui, au même moment, négociait avec Google des engagements dans le cadre de son enquête pour abus de position dominante.

Condamné en France, Google devrait éviter une sanction de la Commission européenne

En Europe, c’est la France qui, la première, a condamné Google pour pratiques anticoncurrentielles. Après avoir été saisie par le service NavX, qui propose des cartes routières et une localisation des radars, l’Autorité de la concurrence, le 30 juin 2010, a imposé à Google des mesures conservatoires d’urgence après avoir dénoncé « le manque d’objectivité et de transparence d’AdWords ». Google avait en effet refusé à NavX l’achat de liens sponsorisés au motif que son activité était contraire à la politique de contenus d’AdWords, alors même que les services concurrents de NavX accédaient encore à la plate-forme d’enchères de Google (voir REM n°16, p.6). Les mesures conservatoires d’urgence s’imposaient alors, Google étant considéré « comme détenant une position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches ». Google ayant proposé des engagements qui ont satisfait l’Autorité de la concurrence, l’enquête n’a pas débouché sur une condamnation. Mais l’Autorité française de la concurrence annonçait déjà, avec cette décision, ce qu’elle allait confirmer le 14 décembre 2010 à l’issue de son enquête sur le marché de la recherche en ligne : Google détient une position dominante dans la publicité liée à la recherche en ligne qui constitue en soi un marché pertinent (voir REM n°17, p.5).

Plus récemment, le tribunal de commerce de Paris a cette fois-ci condamné Google pour abus de position dominante, ne laissant pas à l’entreprise américaine la possibilité de proposer des engagements comme dans l’affaire NavX. Après une plainte en 2009 de l’éditeur Bottin Cartographie, qui propose des solutions payantes de cartographie en ligne, le tribunal de commerce de Paris a en effet considéré que la mise à disposition gratuite de Google Maps, alors même que Google est dominant sur le marché de la recherche, constitue un acte de concurrence déloyale. Selon la décision, « le comportement des sociétés Google aboutit à l’éviction de tout concurrent » et « s’inscrit à l’évidence dans le cadre d’une stratégie générale d’élimination » – parce qu’il n’y a pas de véritable alternative à Google Search pour la recherche de solutions cartographiques ; les autres services de Google sont donc concernés « en cascade » du point de vue concurrentiel. Cette décision, si elle n’a pas de conséquences directes sur l’enquête menée parallèlement par la Commission européenne, pourrait en revanche en avoir lorsque la Commission étudiera le marché des systèmes d’exploitation et des magasins d’applications pour smartphones, Google Maps étant préinstallé sur chaque téléphone équipé d’Android, lui aussi mis à disposition gratuitement.

La Commission européenne s’est penchée sur les pratiques de Google à partir de février 2010 à la suite des plaintes déposées par le comparateur de prix Ciao, propriété du groupe Microsoft depuis 2008, le comparateur de prix Foundem, d’origine britannique, et le moteur de recherche spécialisé eJustice (voir REM n°17, p.5). Après une première demande d’informations à Google, le 24 février 2010, la Commission a envoyé un questionnaire aux acteurs européens du Web fin 2011, les plaintes initiales émanant de sociétés trop petites pour permettre une enquête approfondie. Puis, la Commission européenne a été saisie directement par Microsoft qui a officiellement porté plainte contre Google, le 30 mars 2011, pour abus de position dominante. En portant plainte directement, Microsoft a donné à l’enquête de la Commission européenne une dimension nouvelle, au regard de la taille des acteurs concernés, mais également parce qu’il a élargi le spectre des griefs.

Les premières plaintes avaient en effet conduit la Commission européenne, le 30 novembre 2010, à ouvrir une enquête formelle pour un éventuel abus de position dominante de Google autour de quatre sujets : la dégradation possible de services concurrents dans les résultats du référencement naturel, qui remettrait ainsi en cause la neutralité de la recherche en ligne et se traduirait par la mise en avant des services de Google ; la dégradation possible du score de qualité sur AdWords de certains annonceurs proposant des services concurrents de Google, ce qui les obligerait à payer davantage pour voir apparaître leurs liens sponsorisés ou au contraire à ne pas bénéficier d’un affichage optimisé de leurs liens sponsorisés ; les clauses d’exclusivité interdisant aux annonceurs recourant à AdSense de signer des contrats avec des services concurrents ; enfin, l’interdiction d’utiliser auprès d’autres plates-formes publicitaires les données récupérées par les annonceurs dans leurs campagnes AdWords (ce sur quoi est revenu Google aux Etats-Unis dans le cadre de son accord avec la FTC). La plainte de Microsoft ajoute d’autres pratiques pouvant relever de l’abus de position dominante : Bing, le moteur de recherche de Microsoft, serait confronté à des difficultés techniques significatives pour référencer les vidéos sur YouTube, ce qui dégrade la qualité de son référencement naturel au profit de Google Search ; l’accès aux informations du site YouTube serait refusé pour les smartphones fonctionnant sous Windows Mobile, quand il est autorisé pour les smartphones sous Android et les iPhone d’Apple ; l’impossibilité d’exploiter les fichiers numériques des livres orphelins numérisés par Google ; l’impossibilité pour les annonceurs clients de Microsoft, sauf dépenses techniques importantes, de réutiliser les données fournies à Google dans leurs campagnes ; l’interdiction pour les sites proposant une barre de recherche Google d’offrir l’accès à un second moteur de recherche, ainsi que l’accès à des services concurrents de Google (courrier électronique et stockage de documents en ligne) ; enfin, Microsoft dénonce certaines pratiques discriminatoires de Google à l’égard de ses concurrents à qui il imposerait des tarifs plus élevés pour pouvoir apparaître dans ses résultats sponsorisés. Si elle n’a pas donné immédiatement suite aux demandes de Microsoft, la Commission européenne, en juillet 2012, a toutefois élargi le champ de son enquête en juillet 2012 en demandant à Google certains changements dans la mise à disposition de ses services sur smartphone. Entre-temps, de nouvelles plaintes sont venues alourdir le dossier de la Commission européenne, 14 plaintes pour abus de position dominante ayant déjà été déposées en mai 2012.

Parce qu’une procédure contre Google pourrait prendre des décennies, et parce que l’étendue des plaintes révèle qu’il en va de la configuration du Web en Europe, la Commission européenne, dès mai 2012, a préféré médiatiser sa proposition d’un accord à l’amiable avec Google pour éviter tout abus de position dominante (voir REM n°24, p.11). Quatre préoccupations ont été prises en considération, qui reprennent les contours de l’enquête originelle : la mise en avant dans les pages de résultat de son moteur des autres services édités par Google ; l’intégration dans les services de Google de contenus produits par d’autres sites, médias ou moteurs de recherche concurrents, notamment les moteurs spécialisés, sans l’indiquer dans ses propres services (par exemple, reprise d’une recommandation sur un site de voyages au cœur même des résultats de Google, reprise de contenus de sites de médias) ; contrats d’exclusivité pour les annonceurs recourant aux services publicitaires de Google ; enfin, barrières érigées pour limiter ou empêcher le transfert des données collectées par les annonceurs vers des plates-formes publicitaires concurrentes. La Commission européenne a par ailleurs précisé, en plus de ces sujets de préoccupation, que les engagements de Google devraient être pris dans le monde entier et pas seulement en Europe.

En avril 2013, après plusieurs mois d’échanges, Google a envoyé à la Commission européenne une proposition d’engagements, parmi lesquels une distinction affichée dans les résultats entre les services proposés par Google et ceux de ses concurrents, grâce notamment à une signalétique spécifique, sur le modèle déjà adopté aux Etats-Unis. Google s’est engagé également à permettre aux sites dont il intègre les contenus dans ses résultats de recherche spécialisée à pouvoir en refuser la reprise, sans pour autant être pénalisés dans les résultats de Google Search. Concernant Google News, au cœur des débats sur le droit voisin pour les contenus référencés, avec le projet de Lex Google en Allemagne et les accords de coopération trouvés entre Google et les éditeurs de presse en France et en Belgique (voir REM n°25, p.5), Google s’engage, à l’échelle européenne, à permettre aux sites de presse en ligne de décider lesquels de leurs contenus pourront ou non être repris dans Google News. Enfin, Google a proposé de mettre fin aux exclusivités imposées aux annonceurs dans leurs campagnes de liens sponsorisés, ce qui leur permettra d’exploiter sur d’autres plates-formes concurrentes les données récupérées sur Google Search. La Commission européenne a jugé les engagements de Google assez sérieux pour entamer une enquête de marché et lancer une consultation auprès des acteurs concernés, y compris les plaignants. Elle a ainsi rendu publiques, le 25 avril 2013, les propositions d’engagements de Google et a appelé les partenaires et concurrents de Google à réagir. Ces derniers, s’ils doivent se résoudre à un accord plutôt que d’obtenir une condamnation, ne baissent pas pour autant les bras. En effet, deux nouvelles plaintes ont été déposées auprès de la Commission européenne depuis le début de l’année 2013.

Le 30 janvier 2013, l’association Icomp (Initiative for a Competitve Online Marketplace), qui rassemble une cinquantaine d’entreprises d’Internet et des médias, dont Microsoft, a porté plainte contre Google pour pratiques anticoncurrentielles. Elle reproche au groupe américain d’avoir eu recours à des pratiques illégales pour s’imposer sur le marché de la recherche en Europe. Elle dénonce l’obligation qu’ont les marques de créer leur page sur Google +, le réseau social de Google, pour bénéficier d’un meilleur référencement naturel. Elle dénonce égale- ment les « redirections » effectuées par Google vers des sites de contenus illégaux, permettant ainsi au moteur de recherche de proposer l’accès à des contenus valorisés et payants, l’exemple donné étant les rediffusions sur des sites russes des matchs de la Premier League anglaise.

Enfin, le 9 avril 2013, l’association Fair Search, laquelle fédère de grands groupes internet et des télécommunications (Microsoft, Nokia, Twenga, Expedia, Trip Advisor), la plupart d’entre eux ayant déjà porté une plainte directement contre Google, a déposé une plainte à son tour auprès de la Commission européenne pour abus de position dominante, cette fois-ci sur le marché des smartphones. Fair Search reproche à Google d’imposer aux constructeurs recourant à Android l’installation par défaut des applications de Google au détriment de celles de ses concurrents. Enfin, Google imposerait d’accepter tout un ensemble d’applications aux constructeurs souhaitant proposer ses applications les plus populaires, comme Google Maps ou You Tube. Ce rapport de force en faveur de Google (voir infra les enjeux sur le marché des applications), qui équipe déjà plus de 800 millions de smartphones et tablettes dans le monde, lui permettrait par ailleurs de « contrôler les données des consommateurs dans un marché mobile qu’il domine largement », donc de verrouiller à terme le marché des offres personnalisées et géolocalisées, qu’il s’agisse de la publicité sur mobile ou de services payants. Ces préoccupations nouvelles, si elles peuvent relever de pratiques anticoncurrentielles, désignent également des enjeux liés au respect de la vie privée (privacy). C’est le cas notamment en France où l’Autorité de la concurrence et la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) enquêtent simultanément sur ces sujets. Début 2013, l’Autorité de la concurrence a lancé une enquête préliminaire sur les liens entre systèmes d’exploitation pour terminaux connectés et marchés d’applications, suspectant les éditeurs de ces systèmes (Google, Apple et Amazon) d’imposer leurs applications et d’empêcher l’accès à leur magasin aux éditeurs concurrents. De son côté, la CNIL, alliée aux autres autorités européennes, est en conflit ouvert avec Google sur sa politique de confidentialité.

La vie privée selon Google ne convient pas aux CNIL européennes

En instaurant, le 1er mars 2012, sa nouvelle politique de confidentialité, Google a soulevé de nombreuses interrogations de la part des autorités européennes chargées de veiller à la protection de la vie privée. En effet, depuis cette date, Google centralise l’ensemble des informations laissées volontairement ou involontairement par un internaute sur les 60 services concernés par ces nouvelles règles. Cette politique permet à Google de proposer à l’internaute tout à la fois un dispositif unique en matière de confidentialité, mais également des services mieux ciblés du fait du croisement des don- nées collectées (voir REM n°22-23, p.55). Si l’effort de simplification a été loué par les autorités européennes, il n’en va pas de même pour ses conséquences.

La première d’entre elles a été une augmentation subite de la part des requêtes indéterminées communiquées aux éditeurs de sites recourant aux outils statistiques de Google, toute navigation devenant confidentielle dès lors que l’internaute est identifié, y compris s’il consulte un service de Google où il n’est pas nécessaire de s’identifier -par exemple une recherche en ligne depuis un PC en même temps que le compte Gmail a été activé – (voir REM n°22-23, p.16).
La seconde, suite logique de la première, est liée au manque de transparence de la nouvelle politique de confidentialité, difficile à identifier pour les internautes qui ne savent pas facilement que leur navigation entre services de Google est cryptée et qu’elle fait l’objet d’une adaptation systématique des réponses apportées et d’un croisement permanent de leurs activités en ligne. C’est pour cette raison que la CNIL, chargée du dossier Google par ses 26 homologues européens réunis au sein du G29, a demandé au groupe américain, le 28 février 2012, de reporter l’application de sa politique de confidentialité. Google n’a pas suivi cette demande et une enquête a été lancée par la CNIL, qui a transmis un questionnaire à Google dès le 19 mars 2012 afin de « clarifier les implications de ces nouvelles règles ».

Depuis cette date, Google n’a pas fait preuve d’excès de zèle. Il a tardé à répondre et son niveau de collaboration a été jugé « moyen » par la CNIL, Google n’ayant pas répondu ou de façon très vague à certaines questions. Le 16 octobre 2012, la CNIL, constatant que Google s’était refusé à prendre tout engagement pour améliorer sa politique de confidentialité, a écrit à Larry Page, le PDG de Google, pour lui demander de se conformer à ses recommandations sous trois à quatre mois, faute de quoi elle ouvrirait une procédure de contentieux, laquelle pourrait être répliquée dans tous les autres pays européens. Parmi ses recommandations, la CNIL demande à Google de mieux informer les internautes de sa politique de confidentialité, notamment en leur donnant explicitement la possibilité de refuser la publicité ciblée (fonction « Préférences pour les annonces » difficilement accessible depuis un service Google, la CNIL ayant constaté un « déficit d’informations aux utilisateurs des services », alors que sont opérées des « combinaisons excessives et sans précédent de données personnelles »). Elle lui demande également de respecter la réglementation européenne en matière de conservation des données, après avoir constaté que celles-ci sont conservées au-delà du délai de 18 mois par Double Click, la régie des bannières de Google. Elle demande ensuite au groupe américain de permettre à l’internaute de contrôler ses données personnelles, sans pour autant exiger qu’il en devienne propriétaire. L’internaute devra savoir quelles données sont collectées et quel usage en est fait. Enfin, elle exige que soit distingué le traitement des données dites sensibles (géolocalisation, biométrie, numéro de téléphone) des autres données telles que les requêtes en ligne par exemple.

N’ayant pas reçu de réponse à l’issue de la période de quatre mois, les 27 autorités européennes de l’informatique et des libertés se sont réunies le 26 février 2013 pour envisager une « action répressive et coordonnée », chaque autorité devant agir sur le plan national dans la mesure où le G29 n’a pas de pouvoir répressif. Une nouvelle réunion de conciliation a été organisée le 19 mars 2013, sans succès. Le 2 avril 2013, les autorités allemande, britannique, espagnole, française, italienne et néerlandaise sont donc passées à l’acte de manière coordonnée. En France, la CNIL a opté pour une procédure de contrôle, qui donne un nouveau délai de trois mois à Google à l’issue duquel elle pourra sanctionner le groupe américain jusqu’à 150 000 euros. C’est très peu mais symbolique, la confiance des utilisateurs de services en ligne étant un élément essentiel de leur fidélité. La seule sanction véritablement efficace serait d’interdire à Google de collecter des données personnelles tant que sa politique de confidentialité n’est pas modifiée.

Sources

  • « Microsoft attaque Google à Bruxelles », Marc Cherki, Le Figaro, 1er avril 2011.
- « L’hégémonie de Google contestée par Microsoft », Laurence Girard, Le Monde, 2 avril 2011.
  • « Des publicités illégales coûtent 500 millions de dollars à Google », N. Ra., Les Echos, 25 août 2011.
- « Position dominante : Google condamné », N. Ra., Les Echos, 2 février 2012.
  • « Google condamné pour abus de position dominante », Le Figaro, 2 février 2012.
  • « Bruxelles prêt au compromis avec Google si les solutions sont valables dans le monde entier », Anne Bauer, Les Echos, 26 juillet 2012.
  • « Antitrust, vie privée : Google attaqué de toutes parts », N. Ra., Les Echos, 16 octobre 2012.
  • « L’Europe exige de Google de mieux protéger les données personnelles », Marc Cherki, Le Figaro, 17 octobre 2012.
  • « Les CNIL européennes rappellent Google à l’ordre », Nicolas Rauline, Les Echos, 17 octobre 2012.
  • « Les pratiques de Google ne sont pas jugées anticoncurrentielles aux Etats-Unis », Sandrine Cassini, latribune.fr, 3 janvier 2013.
  • « Google trouve un accord avec l’antitrust américain », Nicolas Rauline, Les Echos, 4 janvier 2013.
  • « Pour les autorités américaines, Google n’abuse pas de sa position dominante », Cécile Ducourtieux, Le Monde, 5 janvier 2013.
  • « Nouvelle plainte contre Google en Europe », Marc Cherki, Le Figaro, 16 février 2013.
  • « La CNIL pourrait bloquer les données de Google en France », M.C., Le Figaro, 19 février 2013.
  • « Vie privée : Google sous surveillance », Nicolas Rauline, Les Echos, 3 avril 2013.
  • « Google accusé d’abus de position dominante dans l’Internet mobile par Microsoft et Nokia », Renaud Honoré, Les Echos, 10 avril 2013.
  • « Google accusé de bloquer le marché des applis mobiles », Enguérand Renault, Le Figaro, 10 avril 2013.
  • « Apple et Google abusent-ils de leur force ? », Guillaume de Callignon et Fabienne Schmitt, Les Echos, 12 avril 2013.
  • « Google et Bruxelles se rapprochent d’un accord », Renaud Honoré, Les Echos, 15 avril 2013.
  • « Concurrence : Bruxelles détaille les engagements de Google », Anne Bauer, Les Echos, 25 avril 2013.
  • « Google se montre docile pour éviter une amende européenne », Le Figaro, 26 avril 2013.

Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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