Internet en Chine : un média engagé

A propos des médias chinois, on évoque surtout la censure, la répression, la violation des droits de la presse, le contrôle de l’opinion et la propagande… Il est vrai que la plupart des médias sont directement contrôlés par le gouvernement, notamment à travers l’agence Xinhua (Chine Nouvelle, agence de presse et d’information officielle) dont l’objectif affiché est d’éviter tout sujet qui pourrait inciter le peuple chinois à manifester. Pourtant, ces réalités de la scène médiatique chinoise sont quelque peu réductrices et le contrôle médiatique mené par Pékin est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Lorsque des intellectuels chinois décident de signer la « charte 08 », dite « démocratique », mise en ligne à la fin de l’année 2008, la communauté internationale acclame les initiateurs, au premier rang desquels Liu Xiaobo. A travers cette charte, le ton est donné pour une discussion sur les « indispensables réformes », afin de parvenir à un changement de régime dont la charte, rédigée sur le modèle de la charte 77 de Vaclav Havel, serait un bon modèle de transition. Si un certain nombre de personnes l’ont signée avant qu’elle ne soit retirée du Net (au moins dix mille en deux mois), elle a valu à son auteur une peine de onze années de prison, mais aussi le prix Nobel de la paix 2010. Cet exemple de charte, d’abord publiée sur Internet avant d’être retirée, illustre bien le fait que la communication chinoise semble être un éternel jeu du chat (la censure) et de la souris (la libre pensée et la libre information journalistique). Zoom sur le jeu du chat et de la souris qui secoue, entre autres, l’Internet chinois.

En février 2008, le nombre d’internautes chinois était estimé à 221 millions, en 2010 à 420 millions et en décembre 2012 la Chine avance le chiffre de 564 millions d’individus connectés (dont 156 millions dans les campagnes) avec un taux de pénétration de 42,1 %. De même, en 2007, plus de 50 millions de blogs sont recensés, chiffre amené à 200 millions en 2010 et 300 millions en 2012. Pour autant, il ne s’agit pas d’y voir des blogs exclusivement politiques, voire dissidents, (les blogs peuvent évoquer la mode, les animaux, le jardinage, etc.), mais plutôt une opportunité de se connecter avec les autres à travers ce nouvel outil. En effet, les Chinois utilisent Internet avant tout pour le plaisir : jouer à des jeux vidéo en ligne, se connecter sur des sites de réseaux sociaux, de messageries instantanées et, parfois, pour se mobiliser.

La censure : pour qui et sur quoi ?

Le gouvernement est bien conscient qu’Internet est un extraordinaire outil économique, scientifique et un réseau capable de mobiliser les masses. En conséquence, la Toile est tenue sous contrôle. Plus de 40 000 personnes seraient affectées à sa surveillance, sans compter le Parti des cinquante centimes (wumaodang), environ 280 000 personnes, chargé d’orienter les débats politiques sur Internet. Chaque « orientation » sur le Net étant payée « à la pièce ». Parallèlement, la censure s’exerce grâce à des techniques de filtrage et de contrôle toujours renouvelées comme le Great Firewall (GFW) ou Grande Muraille numérique (GMN), qui oblige toute communication avec l’extérieur à passer par trois paliers étroitement surveillés, ainsi que par le filtre d’une base de données de mots clés.

Les sites étrangers dont le contenu pourrait se révéler « dangereux » pour le Parti sont bloqués à la source (Amnesty International, Reporters sans frontières, BBC…) mais aussi les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, MSN, Myspace, YouTube, ou Wikipedia qui sont remplacés par des succédanés chinois comme QQ (site de chat en ligne), Ren-Ren (réseau social de type Facebook) ou encore Weibo (site de microblogging entre Facebook et Twitter) utilisé par plus de 300 millions d’internautes en décembre 2012. Les messages sont analysés par des logiciels de reconnaissance par mots clés et ceux qui sont considérés comme tendancieux ou subversifs sont éliminés.

Quant aux moteurs de recherche internationaux, Google en 2005 puis Yahoo !, Microsoft…, ils ont tous accepté de se plier à la censure gouvernementale. Une liste passablement longue de mots clés représente tous les sujets sur lesquels les recherches sont interdites : les références à la démocratie, à la liberté, aux droits de l’homme, aux manifestations, à Taïwan, au Falungong, au Tibet, au Xinjiang, à la collecte du sang, aux incidents de la place Tian An Men, aux taxes sur les paysans, aux scandales alimentaires comme le lait ou l’huile frelatés, etc. Pourtant, début janvier 2010, Google, après avoir accepté les limitations de liberté imposées par la Chine pour s’y implanter quelques années auparavant, défraie la chronique en décidant de partir pour Hong Kong, faisant par là même le bonheur du moteur de recherche chinois Baidu. Ainsi, le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire prit la décision, en décembre 2012, en invoquant la lutte contre la cybercriminalité – avec pour double objectif officiel de protéger les informations personnelles et de garantir la sécurité nationale du pays – d’obliger tous les internautes chinois à fournir leur véritable identité pour accéder à l’Internet, fixe ou mobile, ou à tous les services permettant de poster publiquement des informations.

La censure : une demande des Chinois

Selon le Pew Internet & American Life Project, 84 % des Chinois interrogés en 2007 déclarent qu’Internet devrait être supervisé et contrôlé (dans le cadre de la pornographie, de la violence, des spams, de la publicité et de la diffamation) et 85 %, que le gouvernement doit en être responsable. Dès lors, sous couvert de luttes contre la pornographie, la violence […], le gouvernement n’hésite pas à fermer tout site ou à « rappeler à l’ordre » les blogueurs qui dériveraient vers des sujets tabous. Et, bien que les Chinois soient de plus en plus avertis quant à ce système de contrôle et de censure (des pans entiers de discussion disparaissent d’un instant à l’autre), ils approuvent le fait que le gouvernement contrôle les contenus. En effet, entre 2005 et 2007, le pourcentage de Chinois estimant que les contenus politiques (au sens de zhengzhi : politique au sens large, incluant la morale publique et les valeurs sociales) doivent être contrôlés en ligne a bondi, passant de 8% à 41%.

Au demeurant, les Chinois sondés considèrent de plus en plus qu’Internet n’est pas digne de confiance (indice de confiance de 52 % en 2003 à 26 % en 2007). Quant aux 30 % considérant que la Toile est fiable, ils déclarent croire davantage les informations contenues dans les portails officiels. La télévision reste ainsi, en 2008, la source de base pour les informations nationales ou internationales (96 % la considèrent comme une des deux sources principales dont 88 % comme premier choix). S’agirait-il des conséquences d’une propagande accrue et bien organisée ?

En effet, les autres médias évoquent des événements inquiétants ayant eu lieu sur Internet, notamment pour les enfants, ce qui accroît l’anxiété des parents. D’autre part, il est à rappeler que ceux-ci sont eux- mêmes assez contrôlés par le gouvernement. Ainsi, ce serait le régime lui-même qui mettrait en garde contre Internet en favorisant une demande de contrôle de la part de la population.

Le contournement de la censure

Malgré tous ces dispositifs, environ 90 % de ce qui est discuté sur la Toile échappe à tout contrôle. Ainsi, des contournements existent grâce à des serveurs proxys, des hébergements de blogs ou des sites à l’étranger (notamment Hong Kong). Des solutions techniques comme les VPN (Virtual Private Network, connexion sécurisée à un réseau ou ensemble de réseaux éloignés) ont aussi vu le jour, de même que l’emploi de logiciels qui changent la direction d’un texte. Ainsi, une vaste guerre de l’ombre entre les militants de la liberté d’expression et la manipulation ou le contrôle fait rage et nombreux sont les sites qui, une fois interdits, réapparaissent assez vite. Pour déjouer la censure, les internautes ont toujours une longueur d’avance et Twitter, contourné grâce à des services proxys, offre notamment des possibilités qui n’ont pas encore été contrées par les autorités grâce à son système de « chat instantané ». De plus, grâce aux médias modernes comme les nombreuses fonctionnalités offertes par les téléphones portables Wi-Fi ou les tablettes, la censure est mise à mal. En décembre 2012, ce sont 420 millions d’internautes qui se connectaient via des appareils mobiles, soit plus de 74 % des internautes recensés à cette époque. En conséquence, les cafés internet, aux contraintes plus importantes (vidéos, serveurs normaux et non proxys, contrôles d’identité) sont de plus en plus délaissés.

Dès lors, le réseau possède des ressources qui lui permettent de connecter entre eux des centaines, voire des milliers d’individus, et la Toile joue bien son rôle de relais mais aussi d’amplificateur des problèmes en permettant à certains sujets de prendre une importance qu’ils n’auraient pas eue sans le Web : quand le gouvernement cherche à mettre en place un logiciel « de contrôle parental », (Lüba huaji huhang ou « barrage vert ») pour chaque nouvel ordinateur, officiellement pour lutter contre la pornographie ou la violence en ligne, l’opinion chinoise, relayée par le Net, réagit, et Pékin abandonne. En effet, en 2010, il est estimé que 200 millions de groupes de protestation sont en place sur le Net.

Une mobilisation accrue : humour acerbe et cybertraque

L’humour politique acerbe ou féroce se retrouve souvent sur le Net sous la forme des e’gao (s’amuser aux frais du diable). Bien que cette créativité satirique ne soit qu’indirectement politique, les photos employées prennent un sens de plus en plus humoristique en liaison avec la politique. D’autres méthodes sont utilisées comme l’emploi de métonymies (reprendre des photos anciennes et commenter l’actualité à partir de ce qui a déjà été oublié par la censure : émeutes au Xinjiang de 2010 par exemple) ou de référents et métaphores pour exprimer un sujet tabou (les internautes discutaient du prix Nobel de Liu Xiaobo selon les termes de « chaise vide », référence à la chaise laissée vide à la remise des prix à Stockholm), ou encore la production de nouveautés à partir de l’assemblage caricatural d’objets de consommation culturelle qui permet d’ironiser à l’aide de thèmes culturels transfrontières. Ainsi le visage rondouillard de Qian Zhijun a-t-il été pris en exemple dans nombre de ces caricatures : surnommé « petit gros », l’adolescent représente bien le type même de l’enfant unique des classes moyennes urbaines qui mange un peu trop. Sa photo a ainsi été reprise sur des affiches de films américains comme Pirates des Caraïbes où son faciès remplace celui de Johnny Depp, Brokeback Mountain, Da Vinci Code, etc.)… Par ailleurs, une forme de cybermilitantisme a vu le jour en traquant les individus à l’aide d’informations recueillies sur le Net : il s’agit du site de recherche « chair humaine » (renrou sousuo). Cette méthode sert à se « venger » d’un affront personnel mais aussi des tentatives de médiation lors des oppositions entre pro-Chine et pro-Tibet… Cette « moralité », plutôt irrationnelle, inquiète et personne ne souhaite en devenir la victime.

Mobilisation et starisation

Il s’agit du rôle weiguan (« assiéger », porter l’attention sur) d’Internet. En effet, Internet permet aux personnes connectées de se mobiliser pour n’importe quelle cause, lorsque cela est nécessaire. Ce faisant, l’opinion se fédère au moins un temps pour ce qui lui semble être juste.

Citons seulement quelques exemples : le jeune Li Yaokai, représentant célèbre des migrants qui se retrouvent « piégés dans le travail forcé ». C’est une lettre, diffusée sur Internet au mois de juin 2007 et signée par 400 pères de famille, qui a convaincu le gouvernement de réagir et de libérer ces personnes réduites en esclavage dans les mines du Shanxi ou les briqueteries du Henan. Quant à Wu Ping, son blog concernant l’expropriation abusive de sa maison a rencontré un écho très large qui lui a permis d’acculer le gouvernement et d’obtenir d’importantes réparations financières. En 2009, Guo Baofeng, emprisonné en raison d’une prise de parti pour une femme qui se plaignait de sévices infligés à sa fille ensuite décédée, parvint à faire passer un message sur Twitter à ses « suiveurs ». Ceux-ci s’empressèrent de relayer le message et par d’habiles stratagèmes d’opinion publique, Guo Baofeng fut finalement relâché.

Internet, comme tout espace d’expression, a ses stars. Une des particularités chinoises étant d’ailleurs que les blogs les plus suivis sont ceux des étoiles de la scène médiatique chinoise comme les acteurs et actrices Xu Jinglei, Yao Chen, Chen Kun ou encore Han Han, le plus connu. Agé d’une trentaine d’années, non seulement blogueur, mais aussi pilote de rallye, écrivain, éditeur…, Han Han détient le record mondial d’affluence d’un blog. Il réussit à « naviguer avec la censure » et parvient à évoquer tous les sujets sans tabou depuis le 28 octobre 2005, date du lancement de son blog. D’autres blogs sont aussi particulièrement suivis et influents comme celui d’Ai Weiwei, artiste, réalisateur de documentaires, qui souhaite rendre publics le nom et le nombre d’enfants tués par le séisme du Sichuan en 2008 ; de Zhou Shuguang, qui rapporte les émeutes au Tibet, les cas d’expropriation ou de Li Chengpeng, ancien journaliste sportif, écrivain, ayant des prises de position suffisamment libérales pour qu’il soit régulièrement censuré. En janvier 2013, il fut même agressé et traité de « traître » par un « néo-maoïste » lors d’une séance de dédicaces de son dernier ouvrage. La veille, il avait été contraint de signer avec un masque noir sur la bouche lui interdisant tout contact verbal avec ses fans.

Comme partout ailleurs, certains internautes deviennent célèbres par la seule influence de l’opinion qui déferle sur la Toile. Prenons pour exemple l’une des plus grandes célébrités de 2010. M.Tu prend des photographies d’un jeune sans-abri dont le style et le visage l’interpellent, Brother Sharp (xi li ge) devient alors célèbre au point que le Web se prend d’un engouement certain pour le jeune homme. Sa photographie est alors transposée sur des affiches de film circulant sur Internet comme l’avait été celle de Qian Zhijun auparavant. Les internautes, à travers le site de recherche renrou sousuo, montrent que l’homme est mendiant, un peu fou et qu’il erre dans les rues de la ville de Ningbo. De fil en aiguille, son frère et son vrai nom (Chen Guorong) sont retrouvés, son histoire est connue (recherche de travail qui n’aboutit pas, perte de son père et de sa femme en 2009…). Deng Jianguo en fait une adaptation filmographique en 2011 tandis que Zhuang Weiguo lance une ligne de vêtements inspirée par le look de Brother Sharp.

Cependant, être une star du Web chinois peut aussi se retourner contre soi. En effet, l’ire ou la risée populaire peut s’abattre à tout moment. En 2010, Li Qiming renverse une jeune fille (Chen Xiaofeng) qui décédera plus tard de ses blessures. Il déclare aux policiers qu’il ne craint rien car son père s’appelle Li Gang, le sous-chef de police d’un des districts de la ville. Le Net s’empare alors de l’expression « mon père s’appelle Li Gang (wo ba shi Li Gang) » pour s’en moquer dans toutes sortes de pamphlets, dessins et poèmes et apporter ainsi son soutien à la famille de la jeune fille. L’artiste Ai Weiwei monte au créneau comme il l’avait fait lors du séisme du Sichuan en 2008 pour dénoncer la corruption, et Li Gang, en larmes, doit s’excuser pour le comportement de son fils. D’autres expressions sont ainsi créées sur le Net comme le style « Yanggao » du nom d’un fonctionnaire dont le livre de poèmes a provoqué l’hilarité générale en raison de son style. La France en a aussi pâti : en 2008, les images de la jeune handicapée Jin Jing, malmenée lorsqu’elle portait la flamme olympique à Paris fit le tour d’Internet déclenchant le boycott des produits français.

Internet, vecteur de démocratisation ?

L’usage d’Internet a ainsi permis de contester des discours officiels et de faire évoluer les lois : épidémie du SRAS, migrants, travail des enfants… Ce faisant, les internautes repoussent de jour en jour les « limites de l’acceptable ». Il devient ainsi possible d’affirmer qu’une certaine forme de débat, mais aussi de mobilisation, est possible en Chine au sein de la sphère publique virtuelle qu’est Internet à travers les sites, les forums, les messages instantanés, les réseaux sociaux, les blogs… Grâce à ces contournements, la population est de mieux en mieux informée, surtout des mensonges du régime. A présent, c’est une véritable crise de crédibilité à laquelle doit faire face Pékin.

Ainsi, le Premier ministre Wen Jiabao sort de sa réserve et tend à appuyer les propos selon lesquels la Chine doit pouvoir jouir d’une véritable liberté d’expression, puisque celle-ci figure dans la Constitution chinoise à l’article 35, et il n’hésite pas à exprimer un besoin de démocratie. Attitude paradoxale lorsqu’on sait que pour Yu Jie (auteur du livre Wen Jiabao, le meilleur acteur de la Chine, 2010), depuis que Wen Jiabao est au pouvoir, la censure d’Internet s’est renforcée. Certainement, mais encore plus édifiant lorsque les propos du Premier ministre sont censurés            («harmonisés » selon le terme chinois), mais parviennent malgré tout à circuler, tant bien que mal, sur Internet ! Pour autant, on peut observer que le secret espoir occidental d’une contagion des révolutions arabes est en Chine de l’ordre du rêve.En comparant les sondages portant sur le taux de satisfaction de la population quant à la direction du pays et à la confiance en l’avenir en Chine et en Egypte, il apparaît que les Chinois ne sont pas forcément prêts à tenter une révolution. En effet, entre 2006 et 2010, les Chinois sont de plus en plus satisfaits de la direction prise par le pays, respectivement 83 % à 87 %, alors qu’en Egypte au contraire, les taux ont baissé de 47 % à 28 % selon le Pew Global Attitudes Project. De même, alors que 66 % des Chinois estiment avoir « progressé dans l’échelle de la vie », seuls 18% des Egyptiens répondent positivement à cette question. Le rapport reste le même en ce qui concerne la confiance en l’avenir avec 74 % des Chinois optimistes et 23 % des Egyptiens.

Bien que cela n’altère en rien les aspirations chinoises à plus de liberté d’expression, voire de démocratie, le schéma reste très éloigné de pays comme l’Egypte, et il semble peu probable que les Chinois se soulèvent au point de créer une révolution, du moins dans l’immédiat et tant que Pékin saura susciter des vagues d’optimisme pour l’avenir. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier le dilemme souligné par Han Han : « Le Parti communiste a 80 millions d’adhérents et 300 millions de familles sont liées à ces adhérents, cela dépasse donc le cadre d’un parti politique, il s’agit d’un système. De plus, contrairement aux révolutions arabes, le mécontentement politique en Chine aujourd’hui ne peut pas être réduit à l’image d’un dictateur au sein du Parti communiste ».

Si le régime sait entendre et comprendre les voix populaires avec une certaine honnêteté, il ne saurait y avoir de renversement politique radical, comme ce fut le cas dans les pays arabes car le régime est encore considéré à la fois comme légitime et comme garant de la stabilité. En revanche, trop de dénis ou de répressions concomitants d’une baisse du pouvoir d’achat, de l’inflation, de la corruption et de l’aggravation des inégalités pourraient aviver des tensions dignes de surprendre Pékin si le mécontentement parvenait à se fédérer et s’auto-organiser (tout en s’amplifiant grâce aux réseaux de communication de type internet). Début janvier 2013, la rue, mais aussi Internet, se sont d’ailleurs manifestés à Canton pour soutenir les journalistes de l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo dans leur lutte contre la censure d’un éditorial qui appelait à la réforme politique et à un gouvernement constitutionnel. L’éditorial censuré avait pu passer sur le Net et son « harmonisation » a mis le feu aux poudres. La liberté d’opinion et la liberté de la presse représentent des aspirations de plus en plus grandes et le Web s’est non seulement relayé pour la publication de photos des manifestations mais également pour exprimer son soutien à travers des blogueurs populaires comme Han Han, Yao Chen, Chen Kun, Li Bingbing… bien que de nombreux messages aient été effacés par la censure et le nom de l’hebdomadaire bloqué sur Internet. Cette prise de position inédite affiche les couleurs d’un défi que devront relever Xi Jinping et Li Keqiang, du moins s’ils ne souhaitent pas ouvrir totalement le pays à une réforme politique.

Sources :

  • « Quand la presse chinoise met les pieds dans le plat », Gordon Fairclough, Tang Hangting, Zhang Kersten, Zhu Ellen, The Wall Street Journal in Courrier International, 28 juin 2007.
  • « Ces internautes qui se rebiffent », Séverine Bardon, L’Express, 13 décembre 2007.
  • « La Chine va-t-elle craquer ? », Christine Kerdellant, Eric Chol, L’Express, 13décembre 2007.
  • « Internet censuré », Olivier Weber, Le Point, 7 août 2008.
  • « Ce qui échappe au pouvoir chinois », Luc Richard, Marianne, 9 août 2008.
  • « Few in China Complain about Internet Controls », Deborah Fallows, Pew Internet & American Life Project, pewresearch.org, 2008.
  • « Le choc de la charte 08 », Courrier International, Weiquan Wang, 1er janvier 2009.
  • « Baidu , un autre Google s’éveille », Guillaume Grallet, L’Express, 22 janvier 2009.
  • « L’Etat ne doit pas prendre la place des parents », Qin Xulong, Courrier International, Caijing Wang, 2 juillet 2009
  • « En Chine, la censure agit et les sites migrent », Zhou Peng, Wang Meilin, Nandu Zhoukan in Courrier International, 25 février 2010.
  • « Les insurgés de la Toile », Ursula Gauthier, Le Nouvel Observateur, 2 septembre 2010.
  • « Qui a peur de M.Wen ? », Ursula Gauthier, Le Nouvel Observateur, 14 octobre 2010.
  • « La blogosphère chinoise dénonce l’impunité des officiels chinois à travers l’affaire Li Gang », Harold Thibault, Le Monde, 5 novembre 2010.
  • « A cache-cache avec la censure », Doan Bui, Le Nouvel Observateur, 23 décembre 2010.
  • « Les 10 nouvelles stars du Net chinois », Olivier Verot, Marketing Chine, marketing-chine.com 27 décembre 2010, et http://knowyour- meme.com/memes/brother-sharp.
  • « Leur porte-parole, Han Han », anonyme, Le Nouvel Observateur, 23 décembre 2010.
Docteur en sciences de l'information et de la communication

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